Le stylicien en chef de Chrysler, Virgil Exner, a fait des dessins bizarres dans sa vie, comme ceux des Dodge et Plymouth 1960 et 1962, mais quand on regarde celui de la Dodge Dart 1963, linéaire, fluide et même élégant, il est difficile de croire qu’il était l’oeuvre du même homme. Exécuté vers 1960, ce dessin contredisait la rumeur, qui circulait à l’époque, que le talent de Exner, en tant que stylicien, était sur son déclin. L’année 1960 est une année charnière dans l’histoire de l’automobile, car elle a été celle de l’arrivée des voitures dites compactes produites par les trois Grands de Détroit. La Valiant a été celle que Chrysler mettait sur le marché. Elle aussi faisait partie des dessins torturés, exécutés sur la planche à dessin de Exner. Bien que le nom Plymouth n’apparaissait pas sur sa carrosserie, les ventes de la Valiant furent confiées aux concessionnaires Plymouth. Les concessionnaires Dodge durent se débrouiller, en offrant un modèle de Dodge, pleine grandeur, d’entrée de gamme, auquel on donna le nom de Dart. Cependant, l’année suivante, ces derniers obtenaient un clone de la Valiant qui portait le nom de Lancer. Cette compacte se mesurait directement aux Buick Special, Oldsmobile F-85 et Pontiac Tempest 1961 de GM et à la Comet de Mercury. À cause de la domination du marché exercée par GM, la Lancer ne connut jamais beaucoup de succès. Elle était également à la traine des ventes de la Valiant, malgré l’ajout, en 1962, d’une version GT à toit rigide. Avec l’avènement d’une nouvelle carrosserie, prévue pour 1963, la Division Dodge espérait obtenir une Lancer plus distincte, afin de mieux se mesurer au trio de GM et à la Comet de Mercury. Le résultat fut une compacte devenue moins compacte, avec des mensurations à la hausse. À la dernière minute, on lui donna le nom de Dart. Son empattement fut allongé de cinq pouces, pour grimper à 111 pouces, alors que la familiale conserva celui de 106’’, comme le fit la Valiant. Les modèles offerts étaient une nouvelle décapotable en versions milieu de gamme 270 et la GT, avec des sièges baquets. Cette gamme comprenait également le GT à toit rigide. Les berlines à deux et quatre potières et la familiale à quatre portières complétaient le nombre de modèles offerts. Ces dernières étaient livrées en catégorie 170 d’entrée de gamme et 270, de gamme intermédiaire. Sa nouvelle carrosserie était plus longue de 7,1 pouces, comparativement à celle de la Lancer, ce qui la mettait sensiblement au même niveau que ses concurrentes. Les prix de vente de la Dart GT étaient entre 400, et 600, dollars plus bas que ceux des produits GM, et de 200 à 350, $, inférieurs à ceux de la Comet S-22. Son handicap était l’absence d’un petit V-8 pour motoriser ses compactes, et cela se sentait sur la route. Le moteur d’entrée de gamme était le 6 cylindres de 170 p.c. de cylindrée avec seulement 101 ch. En option, nous trouvions le 6 cylindres de 225 p.c. avec 145 ch. Le premier donnait des accélérations de 0 à 60 m/h en 20 longues secondes, alors que le 225 le faisait en 15 secondes et portait la vitesse maximale à près de 100 m/h, avec une consommation d’essence d’environ 16-17 milles au gallon. Les transmissions offertes étaient la manuelle à trois rapports et l’automatique TorqueFlite.
Comme les autres marques de Chrysler, la suspension avant était à barres de torsion, pour laquelle les journalistes de l’époque n’avaient que de l’admiration, en écrivant que dans la classe occupée par la Dart, rien ne pouvait avoir une meilleure tenue de route. Par contre, ils mettaient un bémol sur la direction, jugée trop lente à leur gout, avec 5,3 tours de volant, d’une butée à l’autre. Avec la servodirection, offerte en option, le nombre de tours tombait à 3,5. Par contre, ils la trouvaient trop puissante, plaidant que toutes sensations de la route avaient disparu. On ne peut pas tout avoir... Avec cette nouvelle carrosserie, les ventes de la Dart 1963 augmentèrent de 250 %, comparativement à celles de la Lancer 1962. La version GT participa à environ 20 % de ces ventes, pourcentage qu’elle conserva jusqu’en 1966. La Dart performa encore mieux, en 1964, avec des ventes qui augmentèrent de 154 000, en 63, pour dépasser les 193 000. Les changements se limitaient à quelques modifications d’ordre esthétiques. La grande nouvelle était l’arrivée d’un nouveau moteur V-8, en mi-saison. Sa cylindrée était de 273 p.c. Il était dérivé de la nouvelle version du V-8 de 318 p.c.. Il était coulé avec des parois minces, utilisant une technologie mise au point par Ford, lors de la conception des V-8 260 et 289. Avec un poids de seulement 50 livres supérieur à celui du six cylindres, le V-8 273 avait une puissance de 25 % plus élevée que celle de celui-ci, soit 180 ch et un couple de 260 pieds/livre. C’était le moteur idéal pour la Dart GT. Ainsi motorisée, une Dart pouvait accélérer de 0 à 60 m/h en 10 à 12 secondes et avoir une vitesse maximale dépassant le 100 m/h. Bien que son prix de vente était fixé à seulement 131,00 $ de plus que celui du six cylindres, cette option ne fut commandée que dans à peine 25 %, des près de 50 000 GT vendues. Le dessin de la Dodge Dart fut modifié à nouveau, en 1965, ainsi que la puissance de son moteur qui avait été portée à 235 ch, grâce à l’ajout d’un carburateur à quatre corps et un nouvel arbre à cames. Cette nouvelle puissance pouvait être contenue par une nouvelle suspension plus robuste et une transmission à quatre rapports, avec le levier au plancher. Les journalistes qui avaient fait des tests routiers étaient généralement extatiques devant ses performances, son moteur robuste, son son guttural et ses accélérations se chiffrant à 8,2 secondes pour atteindre 60 m/h. Les ventes de la Dart dépassèrent les 209 000 exemplaires. Le volume des ventes chuta à 176 000, en 1966, c’était toutefois causé par l’état du marché, plutôt que par une faiblesse de la Dart. Le dessin datant de 1963 fut modifié, une dernière fois, avec un devant plus prédominant. La Dart demeura une voiture avec un comportement routier capable de plaire, à la plupart de ses propriétaires, malgré le fait qu’elle ait été conçue comme une voiture compacte d’entrée de gamme pour transporter une famille du point A au point B. D’autres Dart, encore plus performantes, ont été mises sur le marché, en 1967 et plus tard. Aujourd’hui, la mouture des GT 1963 - 66 offre aux collectionneurs une automobile dont les prix de vente sont encore à un niveau acceptable, même pour une décapotable. Une autre preuve que les meilleurs onguents sont souvent dans les petits pots.