Chez Chrysler, comme chez les deux autres des trois grands de Détroit, on se lançait dans la fabrication et la mise en marché d’automobiles de format compact, afin de contrer l’envahissement de plus en plus marqué, du marché nord-américain, par ce type de voitures. La charge était conduite principalement par la Volkswagen, suivie de la Renault. La Chrysler Corporation tentait des expériences sur les petites voitures depuis plus de vingt-cinq ans, avant le lancement de la Valiant. Toutefois, la Valiant ne provenait d’aucune de ces expériences. Le projet qui avait abouti à sa création portait le numéro de code A-901. Il fut lancé au mois de mai 1957. Le projet débuta lentement, puis au milieu de l’année 1958, la cadence fut augmentée. Au cours des mois et des années suivantes, pas moins de 32 prototypes furent construits et testés, en parcourant plus de 750 000 miles. De plus, 57 moteurs furent construits et testés rigoureusement. Vers la fin de cette période, les ingénieurs utilisaient le nom Falcon pour désigner la nouvelle voiture. Malheureusement pour eux, Ford avait déjà choisi ce nom. Le monde aviaire leur étant refusé, ils décidèrent de revenir sur Terre et de choisir parmi les qualités que devraient avoir tous les humains, soit la vaillance. Le nom Valiant fut retenu.
La première année, le nom Valiant n’était rattaché à aucune des autres marques de la Chrysler Corporation. La publicité claironnait fièrement : La Valiant est la petite soeur de personne. Elle se tient seule, sur ses quatre pneus... Elle était construite dans les usines de Dodge, mais était vendue par les concessionnaires Plymouth. Elle offrait quelques avancées techniques, telles que sa carrosserie monocoque. Son moteur, 6 cylindres, était nouveau. Sa cylindrée était de 170 p. c., sa puissance de 101 ch. Ce qui le caractérisait le plus était son inclinaison vers la droite de 30 degrés. Sa suspension avant était, comme celle de tous les produits Chrysler, à barres de torsion, alors que celle de l’arrière était à lames semi-elliptiques. Malgré sa carrosserie au dessin chargé, la Valiant connaissait des ventes encourageantes, avec le chiffre de 194 292. Elle était loin de celles de la Falcon qui planait dans la stratosphère, avec un chiffre de 456 703, un record de vente qui n’a été battu que par la Mustang. La Corvair occupait la deuxième place, avec le chiffre de 250 007. En 1961, la Valiant devenait soudainement la petite soeur de la Plymouth. L’adoption se fit dans la plus grande discrétion, sans même passer par les fonts baptismaux. Malgré le départ de Virgil Exner, le stylicien qui avait dessiné les voitures produites chez Chrysler depuis 1949, il a fallu attendre les modèles 1963, pour voir la fin de son influence, sur le dessin des produits Chrysler.
Quand l’année 1964 arriva, la mode des équipements dits de sport sur les voitures compactes, comme les consoles et les sièges baquets, faisait rage. Chez Plymouth, on avait choisi de monter enfin dans le train et d’y inclure la Valiant, car on y trouvait déjà la Corvair Monza Spyder et la Falcon Sprint, qui y étaient depuis quelque temps. Avec un tout nouveau V-8 de 273 p.c. de cylindrée, elle pouvait prétendre à des prestations plus relevées. On avait même choisi de donner une nouvelle carrosserie à la Valiant, pour jouer le rôle de la sportive, dans la famille Plymouth. Elle était construite sur la même plateforme que la Valiant, soit la A. Elles partageaient l’empattement de 106 pouces, le capot, les enjoliveurs de phares, le parebrise, les déflecteurs avant, les panneaux arrière et les parechocs. Les autres panneaux de la carrosserie et les autres vitres étaient différents. Cette approche avait le mérite de diminuer beaucoup le temps de la conception du véhicule ainsi que les couts inhérents, rattachés à la mise au point de l’outillage, pour le fabriquer. Chez Plymouth, on avait décidé de lui donner un toit profilé en verre. Les ingénieurs, chez Chrysler, demandèrent l’aide de ceux de la compagnie Pittsburgh Plate Glass (PPG). Ces derniers avaient réussi à former une immense lunette arrière de 14,4 pieds carrés, qui se rendait jusqu’aux ailes arrière. La plus grosse lunette arrière jamais construite, à cette date. Les planificateurs avaient décidé quelle motorisation serait offerte sur la nouvelle Valiant. La première était le moteur de base, le 6 cylindres de 170 p. c. de 101 ch, en option, le six cylindres de 225 p. c. de 145 ch. et le dernier, mais pas le moindre, est le nouveau V-8 de 273 p. c. et ses 180 ch. Son prix de vente fut fixé à 2 512,00 $ US.
Tout au long de sa conception, les gestionnaires, chez Plymouth, avaient l’intention de lui donner le nom de Panda. Ce nom ne trouva pas beaucoup d’apôtres parmi les membres de l’équipe des ingénieurs et styliciens. John Samsen, l’un des styliciens participant à la conception de la nouvelle Valiant sportive, avait proposé le nom de Barracuda, sans doute inspiré par le profile élancé de ce poisson, ou encore par la réputation de prédateur rapide (43 km/h) et impitoyable. Sa suggestion fut retenue. La Barracuda débuta sur le marché comme étant une Valiant à toit profilé. Un lien avec le nom Valiant qu’elle n’a jamais put rompre, tout au long de son histoire. La date de son lancement fut fixée au premier avril 1964. Mais, pour son grand malheur, elle fut présentée seulement deux semaines avant celle de la Mustang de Ford. Le début de son histoire fut celui du poisson hors de l’eau, piétiné par une horde de chevaux sauvages... Le problème de la Barracuda était qu’elle a été forcée, par la Mustang, de jouer un rôle pour lequel elle n’avait pas été conçue, au départ. Lors de son lancement, elle devait simplement occuper le créneau du haut de gamme de la marque Valiant, pas se mesurer au Tsunami provoqué par la Mustang. Tout ce qu’elle avait à offrir était un V-8 de 180 ch, contre les 271 ch de la Mustang GT. Il était évident que les gestionnaires, chez Chrysler, se prélassaient dans les bras de Morphée. Comme un secret ne demeure pas longtemps secret, à Détroit, ils n’étaient pas sans savoir que Ford préparait quelque chose, hors de l’ordinaire, qui se distinguerait beaucoup de la voiture d’entrée de gamme qu’était la Falcon. De plus, quand il était devenu évident que la Mustang connaissait un succès monstre, ils furent encore trop lents à lui donner une image de voiture de haute performance. Cette image était venue que beaucoup trop tard, soit à peine quelques années avant sa disparition, le 1er avril 1974, exactement dix ans après son le lancement. Notre vedette fait partie de la première mouture des Barracuda, car elle porte fièrement le nom Valiant sur sa carrosserie. Elle appartient à M. Ghislain Labelle. Ce dernier l’a acheté, en 1983. Elle a été restaurée dernièrement. Elle est motorisée par le 6 cylindres 225, alors que sa transmission est automatique. Elle est contrôlée par des boutons poussoirs. Mille-neuf-cent-soixante-quatre est d’ailleurs la dernière année ou l’on retrouve ce type de contrôle sur les produits Chrysler.