Une Fairlane Thunderbolt, ce n’est pas le genre de voiture que nous rencontrons à chaque coin de rue. En fait, si l’une d’elles a un jour sillonné les rues d’une ville, c’est une exception, ou à moins que ce soit pour se rendre à la piste de course. Ainsi, ceux qui peuvent se vanter d’avoir vu une Thunderbolt sont les amateurs de courses d’accélération, au cours des années soixante. Eux seuls ont pu en voir une rugir sur les pistes du quart de mille. La Thunderbolt était ce qui s’éloignait le plus de la voiture que votre tante Ursule utilisait pour se rendre à l’épicerie ou aux vêpres. La Thunderbolt, était construite spécifiquement que pour gagner des courses d’accélération. Elle était confiée à des pilotes professionnels qui n’avaient que le désir de se rendre au bout de la piste, le plus rapidement possible, idéalement, plus rapidement que les autres concurrents. La meilleure façon de rouler plus vite est d’utiliser une carrosserie légère et de la motoriser avec un moteur le plus puissant possible. Les ingénieurs, chez Ford, ont donc utilisé cette théorie, en la poussant à sa limite. Ford, à l’époque, était en pleine campagne nommée « Total Performance “ mise sur pied par Lee Iacocca. Sur les pistes de course sanctionnées par la NASCAR, les grosses Galaxie remportaient victoire sur victoire, avec leur gros moteur de 427 p. c. de cylindrée. Toutefois, sur une piste d’accélération, c’était une autre histoire. Leur poids représentait une infériorité majeure. Elles étaient incapables de se distinguer et de remporter des victoires. Pour améliorer la compétitivité, les ingénieurs se tournèrent vers la Fairlane. Cette dernière, lancée en 1962, sur un empattement de 115,5 pouces, venait de se voir attribuer une carrosserie toute neuve. Elle était plus courte de trois pouces et demi que la Galaxie, en plus d’être plus légère de 700 livres. Après avoir subi une cure d’amaigrissement radicale, elle était devenue un redoutable bolide. Quelques pilotes utilisaient déjà des Fairlane, qu’ils avaient bâties eux-mêmes. Chez Ford, personne ne s’était opposé à ces initiatives qui produisaient des victoires supplémentaires à ajouter à la liste. En fait, cela ne faisait que renforcer la campagne ‘’ Total Performance’’ de Lee Iacocca, dont un large volet s’adressait justement à la course automobile. Une première commande fut passée auprès de la Dearborn Steel Tubing Company, bientôt suivie de deux autres, pour un total de 100 voitures. Ces dernières avaient été, pour la plupart, peintes en blanc. Coincer le gros moteur V-8 427 sous le capot de la Fairlane n’a pas été une mince affaire. Les mécaniciens durent défaire et refaire le compartiment moteur, la suspension avant, ainsi que toutes les composantes les constituant. Une fois la carrosserie reconstruite, ils entreprirent la chasse aux kilos en trop. La fibre de verre fut utilisée, pour construire les ailes avant et les deux portières. Même le parechoc était de fibre de verre sur les premières Thunderbolt qui furent construites. Plus tard, de l’aluminium a été utilisé, pour les parechocs, afin de se conformer aux règlements de la National Hot Rod Association. Le moteur étant trop volumineux, un nouveau capot, en fibre de verre dû être fabriqué, avec un gros renflement, afin de donner assez d’espace pour les carburateurs. Finalement, les vitres latérales et la lunette arrière furent remplacées par du plexiglas. Seul le parebrise original fut conservé. Le restant de la voiture fut dépouillé au maximum de ses composantes. À l’extérieur, les rétroviseurs et les enjoliveurs de roues avaient été enlevés. Curieusement, sans doute pour des considérations esthétiques, les baguettes de flanc, propre à la Fairlane 500, avaient été conservées. À l’intérieur, les pare-soleils, les appuis-bras, la roue de secours et le cric furent également enlevés. Dans la calandre, les phares intérieurs, de cet ensemble à quatre phares, furent également enlevés, pour être remplacés par deux conduits flexibles, fermés par un grillage. Ces ouvertures furent mises en place pour acheminer une grande quantité d’air au carburateur. À part ce changement, la calandre était demeurée originale. De l’extérieur, la Thunderbolt ne pouvait être identifiée que par l’absence d’enjoliveurs de roues et de rétroviseurs et également par son capot avec ce gros renflement. Sous cette bulle, deux carburateurs Holley, à quatre corps, alimentaient le moteur. Les gaz étaient évacués par deux larges collecteurs d’échappement. Le taux de compression était fixé à 12,7:1. Sa puissance affichée officiellement par Ford était de 425 ch. En réalité, elle était certainement plus près de 530 ch. Inutile de dire que cette Thunderbolt n’était pas conçue pour circuler sur les routes ou sur les rues. D’ailleurs, Ford obligeait les acheteurs de Thunderbolt à signer une décharge de responsabilité en ce qui regarde toutes réparations ou blessures. Si un individu achetait ce bolide, il était seul face à l’adversité, sans aucune garantie de la part du fabricant. Ceux qui défiaient la malchance devaient acquitter une petite facture de 3 780,00 $, quand la voiture avait une boite de vitesses Borg-Warner, à quatre rapports. Si ce dernier voulait se payer le luxe d’une transmission automatique, il devait allonger un autre billet de 100,00 $. Cette transmission était empruntée à Lincoln. Aux fins de comparaison, une Fairlane d’entrée de gamme avait un prix de vente fixé à 2 194,00 US (2 528,00 $ CA). Quelques pilotes eurent la chance de se voir classés comme étant des clients favorisés par la FoMoCo. Ces élus ne payaient qu’un dollar, pour devenir un heureux propriétaire de Thunderbolt. Ils avaient au moins 3 779 bonnes raisons d’être reconnaissants... Quel que soit le prix que les amateurs avaient payé, 1,00 $ ou 3 888,00 dollars, ils avaient en main un bolide capable de parcourir le quart de mille en seulement 11 secondes à plus de 120 m/h. Un des pilotes remporta le premier prix, donné par la National Hot Rod Association, en franchissant le quart de mille en 11,6 secondes, à 124,38 m/h, un record qui ne pouvait que combler les amateurs de ce genre de compétitions. De plus, il présentait un apport majeur, pour l’année 1964, à la campagne ‘‘Total Performance’’ de Ford.