Dire qu’American Motors a été bâtie sur une base chancelante est un euphémisme. Cette compagnie a été le résultat de la fusion entre Hudson et Nash, survenue en 1954. À l’époque, plusieurs commentateurs faisaient les loustics en comparant cette fusion à un mariage entre une borgne et un aveugle, tentant de traverser une rue achalandée. Dès le début, les déficits s’accumulèrent, faisant craindre pour la survie de la nouvelle compagnie. Comme un malheur n’arrive jamais seul, George W. Mason, président de Nash-Kelvinator, qui avait été l’architecte et l’âme dirigeante de cette fusion, décédait le 9 octobre 1954. Son poste fut repris par George Romney. Ce dernier était le père de Mitt Romney qui se présenta contre Obama au poste de président des États-Unis, en 2012. Fin de la digression. En poste, George Romney s’investit d’une mission, qu’il remplit avec le zèle d’un missionnaire, soit celle de convaincre les Américains de se procurer une voiture compacte, de préférence une Rambler, et d’abandonner les grosses voitures se goinfrant de pétrole. Pendant sa croisade, il reçut une aide inespérée. La crise économique de 1958 frappa durement l’économie nord-américaine. Quand le chômage devient endémique, les gens changent leurs priorités. Ainsi, plusieurs se convertirent au prêche de Romney, en se rendant chez les concessionnaires American Motors, pour en ressortir au volant d’une Rambler.
Les ventes des trois grands s’écroulèrent, alors que celles d’American Motors augmentaient de 52 % pour atteindre 186 227. Ces gains permirent à AMC de passer au septième rang, devant Dodge, Chrysler et Cadillac. Le succès d’AMC reposait surtout sur la Rambler avec un empattement de 108 pouces. Elle avait été lancée en 1956. Puis, au cours de l’année, une version de la Rambler 1955, sur un empattement de 100 pouces, fut redessinée et mise sur le marché, sous le nom d’American. La combinaison des deux versions connut un succès immédiat. Le tiroir-caisse se mit à sonner jusqu’à atteindre 26 millions de profit sur des ventes de 470 millions. Le succès de la Rambler ne fut pas qu’un feu de paille. En 1959, 363 372 Rambler sortirent des usines, générant des profits de 60 millions. En 1960, la production grimpa à 422 273 Rambler, se classant au quatrième rang, au palmarès des ventes. La troisième position fut conquise, en 1961, malgré un volume des ventes diminué à 370 685 exemplaires. C’est cette même année qu’AMC lança la Classic. Elle remplaçait la Six et la Rebel. Avec le même empattement de 108’’, elle se situait dans le milieu de gamme, entre l’American et l’Ambassador, qui était une version allongée de la Classic, avec 117 pouces d’empattement.
Un autre changement important chez AMC, en 1961, était l’arrivée du stylicien Richard A. Teague. Son influence apparue sur les modèles Classic et Ambassador 1963, qui étaient les premières nouvelles voitures chez AMC, depuis 1956. Elles utilisaient la même plateforme que la Classic, reposant sur un empattement de 112 pouces. La silhouette de sa carrosserie, bien qu’encore trapue, était plus basse, avec une calandre concave, des flancs sculptés. Elle avait un dessin plus gracieux que celui des modèles antérieurs. La Classic était offerte en 10 modèles repartis sur trois séries, soit 550, 660 et 770. Un seul moteur six cylindres, était offertle, soit le 195,6 p. c., avec une puissance de 127 ch ou 138 ch, avec un carburateur à 4 corps. Sa carrosserie monocoque avait été repensée. Les chroniqueurs de la revue Motor Trend avaient été tellement impressionnés, qu’ils avaient nommé les produits AMC, Car of the Year, en 1963. Les nouvelles Rambler furent plutôt bien reçues, avec des ventes de 438 346 unités. Les modèles 1964 profitèrent d’une nouvelle calandre ornée de baguettes en acier inoxydable, sur ses bas de caisse. À la liste des modèles offerts, s’ajoutèrent deux coupées à toit rigide.
Par ailleurs, la situation d’AMC au début des années 60 devenait de plus en plus précaire. La gamme des autos compactes jusque-là était la chasse gardée d’AMC et Studebaker. Voyant ce nouveau marché en pleine évolution, Chrysler, GM et Ford décidèrent de l’envahir avec leur propre version, soit la Vaillant, la Corvair et la Falcon, respectivement. Devant cette attaque, AMC devenait aussi vulnérable qu’une souris au milieu d’un troupeau d’éléphants. Voyant le péril en la demeure, Roy Abertthy, le nouveau président d’AMC décida de riposter en contrant les trois Grands, modèle contre modèle. Après sept ans de ventes vigoureuses, le tiroir-caisse était bien garni. En 1965, il lança le plus vaste programme de mise au point de nouveaux modèles jamais entrepris chez AMC, en fabriquant une nouvelle intermédiaire, de nouveaux moteurs six cylindres, une nouvelle Ambassador plus imposante et une nouvelle Classic, avec le même empattement de 112’’, mais avec une carrosserie 5 pouces plus longue. En plus de devoir changer tous ses modèles pour se défendre contre les trois géants, chez AMC, toutes les motorisations durent être modifiées, car au cours des années soixante, une guerre pour la puissance faisait rage. Pour améliorer les prestations des produits AMC, la puissance des six cylindres et surtout des V-8 fut augmentée. Ainsi, la Classic offrait un nouveau V-8 de 287 p. c., alors que le V-8 327 était offert en option avec une puissance de 250 ou 270 ch. Les changements mécaniques apportés, en 1966, comprenaient le fait que le six cylindres de 232 p. c. 145 ch était devenu le moteur de base de la Classic. Le six cylindres de 199 p.c. quant à lui était abandonné. Malgré tous ces changements, la chute des ventes chez AMC, ne fut pas freinée. Les ventes, de la Classic, avaient diminuées, d’environ 78 000 unités. Notre vedette fut assemblée au cours de cette période trouble de l’histoire d’AMC. Elle fut achetée par son propriétaire, M. Jacques Chouinard, en 2007. Ce dernier avait une raison sentimentale de se la procurer, car son père en avait déjà possédé une. Ah nostalgie, quand tu nous tiens!