En Amérique du Nord, au milieu des années cinquante, l’optimiste était triomphante. L’industrie roulait à fond, c’était le plein emploi, les privations occasionnées par la Deuxième Guerre et même celles de Corée étaient oubliées. La théorie de l’hédonisme, selon laquelle l’activité économique dépend de la recherche du maximum de satisfaction, avec le moindre effort, avait de plus en plus d’adeptes, et l’on inventait des machines pour y parvenir. Chez les constructeurs automobiles, l’avenir était on ne peut plus radieux. Ils fournissaient à peine à répondre à la demande. En 1955, les ventes explosaient à 7 136 496, pour établir un nouveau record. Il y avait bien quelques bémols avec les Français et les Allemands qui grignotaient quelque peut le marché, avec leurs Renault et leurs Volkswagen, mais tous étaient persuadés que ce n’était qu’une tocade et que bientôt les délinquants qui les achetaient reviendraient surement à de meilleurs sentiments. Par ailleurs, le succès que connaissait American Motors avec sa Rambler envoyait le message qu’il existait un marché pour une auto compacte, fabriquée en Amérique.
Puis soudain, coup de tonnerre dans un ciel bleu. Une crise économique frappa soudainement et brutalement, débutant à la fin de 1957, pour s’aggraver en 1958. Les ventes s’écroulèrent dans certains cas de 50 %, sauf celles de la Rambler qui elles, avaient plus que doublé. Soudain, les quelques styliciens qui faisaient des recherches sur la conception d’une auto compacte, victimes des moqueries de leurs collègues, devinrent tout à coup des héros. La première marque à réagir fut Studebaker, avec sa Lark 1959. Chez les trois grands, Chrysler, Ford et GM, on avait également décidé de cesser l’aveuglement volontaire et de riposter. Il s’agissait d’une décision déterminante pour eux, car à l’époque le mantra des styliciens était plus long, plus large, plus gros. Pour eux, une voiture compacte était une hérésie. Tout à coup, dans les studios de dessin des compagnies, une atmosphère d’urgence régnait. Les gestionnaires de GM confiaient la mission de concevoir une Volkswagen six cylindres, à la Division Chevrolet. Elle porta le nom de Corvair. Le mot air voulait sans doute souligner que son moteur, situé à l’arrière, était refroidi à l’air. Chrysler adopta une autre route. Le dessin de sa carrosserie se disait d’inspiration européenne. Le résultat fut une automobile au dessin torturé, c’est le moins que l’on puisse dire. Sa motorisation était nouvelle, avec un six cylindres, incliné à 30 degrés, de 101 ch. Chez Ford, ont était en plein psychodrame, après le lancement de la Edsel 1958. Produire cette voiture de gamme intermédiaire, avait été décidé, au début des années cinquante. Toutefois, quand elle arriva sur le marché, la crise économique qui faisait rage avait décimé la clientèle s’adressant à cette catégorie de véhicules. Comme un malheur n’arrive jamais seul, Robert McNamara occupait le poste de président de Ford. Or, ce dernier avait comme priorité de faire disparaitre la Edsel, qu’il voyait comme une menace à sa Division Ford. Privée de marché et de soutiens, la Edsel n’avait aucune chance de survivre et devait disparaitre, ce qu’elle fit en 1960. Par ailleurs, McNamara apporta un soutien indéfectible à la nouvelle compacte. Dès que la décision de la produire fut prise, il mit les concepteurs à l’oeuvre, en établissant comme paramètre un empattement entre 100 et 110 pouces, un intérieur capable d’accueillir six passagers, avec un prix de vente à moins de 2 000,00 $.
Afin de confondre les espions, le nom de code pour la nouvelle voiture était Thunderbird XK. Le moulin à rumeurs se mit en marche comme quoi une Thunderbird deux passagers ferait un retour sur le marché. Dès le début, le nom Falcon fut adopté à l’unanimité, par la haute direction. La conception de la voiture avança à grands pas. L’empattement fut fixé à 109,5 pouces, la carrosserie monocoque, avait 181,2 pouces de long et 70,3 de large, soit presque un pied de moins que la Ford. Son poids était de 2 422 livres, soit 22 livres de plus que le poids visé. La Falcon eut également le privilège d’être motorisée par une nouvelle famille de moteurs. Ces moteurs étaient coulés grâce à une nouvelle technologie en métallurgie, nommée à parois minces. Ce nouveau moteur de 144 p.c. avait une masse de 350 livres, soit 150 livres de moins que le vénérable six cylindres Ford de 223 p.c. de cylindrée. Ford claironnait une consommation d’essence de moins de 30 milles au gallon en ville et plus de 30 sur la route. Ils n’étaient pas tellement loin de la vérité. L’auteur de ces lignes peut en témoigner. J’ai été l’heureux propriétaire d’une Falcon Sedan Delivery 1963, motorisée par le six de 170 p.c. de 101 ch et malgré le poids du véhicule, je réalisais une consommation de plus de 27-28 milles au gallon sur route et 23-24 en ville. Les transmissions offertes étaient la manuelle à trois rapports ou l’automatique Fordomatic à deux rapports, en option. Elle était refroidie à l’air, afin d’alléger le véhicule. Les deux avaient un rapport de pont de 3,10:1 Le dessin de la carrosserie fut confié à Eugene Bordinat. Les paramètres fixés à ce dernier, par McNamara, étaient de produire un dessin simple, respectant le budget alloué. Bordinat répondit aux deux critères, en dessinant la carrosserie, plus en harmonie avec les gouts des consommateurs de l’époque, comparativement à celles produites pour la Corvair et encore plus, à celle de la Valiant.
La Falcon, était offerte en modèles berline deux et quatre portières, familiale deux et quatre portières et Ranchero. Elle fut présentée au public le 3 octobre 1959. Dès son lancement, il était évident que le public accueillait mieux la Falcon, comparativement à la Corvair et son moteur refroidi à l’air ainsi que la Valiant, avec son dessin torturé. La première année, elle trouva 435 676 garages accueillants, alors que 21 027 Ranchero faisaient de même, pour un total de 456 703 Falcon de vendus, alors que la Corvair en avait 250 007 et la Valiant 194 292, comme chiffres de vente. Quelques changements, mineurs, à la calandre, qui devenait convexe et l’arrivé, en option, du nouveau moteur de 170 p.c. de cylindrée 101 ch, marquèrent 1961. Les ventes augmentèrent pour atteindre 497 166 exemplaires. Elles diminuèrent à 418 539, en 1962, malgré quelques ajouts mineurs apportés à ces modèles et l’arrivée de la nouvelle Futura. Cette diminution était certainement attribuable à l’arrivée de la nouvelle Fairlane. La Falcon, qui avait été conçue sous la férule de McNamara, était une auto produite pour se déplacer du point A au point B, d’une façon agréable et économique. Après le départ de McNamara, appelé à Washington pour servir comme Ministre de la Défense, dans le gouvernement de Kennedy. Les choses changèrent chez Ford, en 1963. Celui qui remplaça McNamara était le flamboyant Lee Iacocca. Ce dernier fit mettre en production de nouveaux modèles et également de nouveaux intérieurs, avec des sièges baquets. Au catalogue des ventes, s’ajoutèrent les Falcon décapotables et à toit rigide, réunies sous le nom de Futura. De plus, le nouveau moteur V-8 de 260 p. c. arrivait sur le marché. La voiture sport faisait son entrée chez Ford. Par contre, les ventes diminuèrent à 247 910. Il fallut attendre 1964 pour voir la Falcon subir des changements profonds. La carrosserie et les intérieurs furent mis à jour, tout en conservant ses traits caractéristiques avec une tendance marquée pour les accessoires de type sport. Le moteur 144 p.c. disparaissait, remplacé par le 170. Un nouveau six cylindres de 200 p.c. était offert en option. Les ventes diminuèrent encore à 318 961 exemplaires, la pauvre Falcon était prise entre la Fairlane et le succès galopant de la Mustang. Pour l’année 1965, la Falcon retournait à sa vocation première, soit d’être un moyen de transport économique, d’entrée de gamme. Les changements esthétiques se limitèrent à une nouvelle calandre et un changement de baguettes de flanc. Les ventes se chiffraient à 233 641 véhicules. Cette année a été marquée par l’arrivée du V-8 289. Notre vedette a été construite pendant cette période difficile de l’histoire de la Falcon. Elle faisait partie des 24 451 Hardtop Coupe à avoir été fabriquées. Son prix de vente était fixé à 2 179,00 $ US (2 653,00 $ CAN) Son actuel propriétaire, M. Jacques Desautel la possède depuis 1994. Il l’utilise régulièrement pour se rendre aux activités du club VACM.