MUSTANG, 50 ANS DE SUCCÈS.

Ecrit par René St-Cyr | 2014-05-07

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Contrairement à ce que généralement tout le monde croit, l’histoire de la Mustang ne débuta pas quand les gestionnaires de Ford Motor Company prirent la décision de mettre sur le marché une telle voiture, en 1964.  Pas plus d’ailleurs que quand Lee Anthony Iacocca fut nommé au poste de directeur général de la Division Ford, en novembre 1960.

En fait, les racines de la Mustang remontent jusqu'au milieu de la décennie précédente, alors que Ford présentait la Thunderbird 1955, deux passagers.  La Thunderbird n'était pas ciblée vers le marché des autos sport.  Elle était destinée à ouvrir un nouveau créneau du marché, qui portera le nom de voiture personnelle.  Malgré quelques mois de retard sur la Corvette de Chevrolet, elle distança cette dernière par une très grande marge, en ce qui regarde le niveau des ventes, au cours de ses trois années de production.  Elle fut la première automobile, nord-américaine de ce genre, à instaurer le segment des voitures personnelles.  Elle est devenue la légende que nous connaissons aujourd'hui, et ce, dès son lancement.

Quelques semaines avant la présentation publique de la Thunderbird 1955, Lou Crusoe, alors président de la Division Ford, prit le volant d'une des premières à être assemblée, pour l'essayer, au cours de la fin de semaine.  Le lundi suivant, il convoqua Tom Case, responsable du département de la mise en marché, pour l’informer, qu'à son avis, malgré sa beauté, la Thunderbird devrait avoir une banquette arrière, afin de pouvoir recevoir quatre passagers.

Ainsi, quelques semaines après son lancement, une équipe, composée d'ingénieurs en motorisation et en châssis, ainsi que des styliciens, était à l'oeuvre, pour concevoir une nouvelle Thunderbird quatre passagers.  Les planificateurs subodoraient que cette nouvelle génération de Thunderbird devait élargir son marché, en étant beaucoup plus alléchante aux yeux des acheteurs que la Thunderbird deux places.  L'équipe devait concevoir une voiture assez spacieuse, pour accommoder quatre passagers, tout en demeurant d'un gabarit et d'un poids raisonnable, afin que les moteurs offerts chez Ford puissent être capables de fournir des prestations élevées.  De tout ce remue-méninge émergea la Thunderbird 1958.

La question qui nous vient à l'esprit est, pourquoi elle ne fut pas de la taille de la Mustang, qui arriverait neuf ans plus tard.  La réponse réside dans l'éventail des moteurs qu'offrait Ford à cette époque.  La voiture devait être construite, autour des moteurs hautes performances, sur le marché, qui étaient plutôt volumineux et lourds, à l’époque.  Pour avoir des moteurs légers et compacts, il fallut attendre que les ingénieurs de Ford inventent un nouveau principe révolutionnaire de coulée du métal, permettant d'obtenir des pièces aux parois très minces.  Les premiers moteurs issus de cette nouvelle technologie furent les V-8 de 221 et 260 p.c. offerts à la fin de 1961.  Cette arrivée sur le marché rendait possible la construction d'une petite voiture sportive, capable d'accueillir quatre passagers.  La Mustang était ce qu’aurait pu être la Thunderbird 1958, si la technologie permettant de couler des moteurs à parois minces avait existé, au début des années cinquante.

Par contre, quand on étudie l'évolution de la Thunderbird, au cours des ans, force est de constater qu'elle a toujours augmenté son poids et son prix, chaque année.  Elle est ainsi devenue de plus en plus un jouet pour riche, plutôt qu'un caprice de jeune homme.  Par contre, il faut dire à la décharge des planificateurs, qu'ils avaient vu juste et que le niveau des ventes s'était multiplié par trois la première année, par rapport à celui de la Thunderbird deux passagers, pour continuer de croitre au cours des années subséquentes.  Par contre, en tant que voiture haut de gamme, elle n'attirait pas beaucoup de jeunes acheteurs dans les salles d’expositions des concessionnaires Ford.  Voilà exactement le noeud du problème, auquel étaient confrontés les gestionnaires de la FoMoCo.

Pendant ce temps, les ventes des voitures importées, dites sportives, telles que les MG, Triumph, Austin-Healey et les Alfa-Romeo ne cessaient d'augmenter régulièrement, alors que la Corvette de Chevrolet se constituait une niche, en tant que voiture sport américaine.  Quand la décision d'abandonner la production de la Thunderbird, deux passagers, fut rendue publique, la compagnie Ford fut inondée de lettres dans lesquelles les amateurs faisaient part de leurs désidératas, blâmant la compagnie d'avoir sabordé la petite Thunderbird.  Ils réclamaient à cors et à cris son retour immédiat sur le marché.

Le message, bien que reçu, fut différé aux calandres grecques.  À la fin des années cinquante, Ford, comme les autres compagnies d'automobiles, était plus préoccupée par le succès croissant que connaissaient la Volkswagen Beetles et la Renault Dauphine.  Cette menace laissait peu de temps pour réfléchir sur une chose aussi frivole qu'une voiture sport.  Comme rétorsion, contre cette menace des envahisseurs, les trois grands mettaient sur le marché la Corvair de Chevrolet, la Falcon de Ford et la Valiant de Plymouth, à l'automne de 1959.  La Falcon, grâce à sa construction simple, mais robuste devenait facilement la reine des trois, avec des ventes de 417 174, après un an sur le marché.  Ce chiffre détrônait ceux de la DeSoto, qui détenait ce record de vente depuis 30 ans, avec la vente de 80 000 exemplaires.  Elle avait établi ce record de vente lors de son lancement, en 1928.  La Falcon se vendait deux fois plus que la Corvair, ce qui accrocha un large sourire aux lèvres des gestionnaires de Dearborn, Michigan.

Avec ce succès extraordinaire, Ford se bâtissait une réputation de fabricant d'automobiles de qualité, berlines et familiales, à prix abordables, plus ses décapotables, et la nouvelle Thunderbird.  Mais, alors que les années soixante arrivaient, il y avait peu de choses, dans les salles d’exposition des concessionnaires Ford, pour attirer ceux qui considèrent l'automobile comme autre chose qu'un moyen de transport pour les conduire du point A au point B.

C'est la réflexion que se faisait Lee A. Iacocca, alors qu'il prenait le poste de Directeur général de la Division Ford, à l'âge de trente-six ans.  Ce dernier, fils d'un émigrant italien, fut élevé à Allentown, Pennsylvanie.  Il obtenait son diplôme d'ingénieur à l'Université de Lehigh, qu'il compléta par une maitrise à l'Université de Princeton.  Après un stage chez Ford, il s'inscrivit à un cours de gestion d'affaires.  Jeune, dynamique et agressif, il grimpa rapidement les échelons de la hiérarchie du département des ventes, chez Ford, jusqu'au poste de Directeur commercial.  Le but qu'il se fixa était simple.  Il visait le poste de vice-présidence de la FoMoCo, qu'il voulait atteindre à l'âge de trente-cinq ans.  Il obtient le poste en novembre 1960, mais avec une année et dix-huit jours de retard.  Personne n'est parfait.

Il était conscient du problème d'image de Ford depuis longtemps, mais ne pouvait pas y faire grand-chose, tant qu'il n'était pas rendu au sommet de la pyramide administrative.  D'instinct, il savait, avec d'autres jeunes gestionnaires, que la Falcon connaitrait un succès encore plus retentissant, si les lignes de sa carrosserie étaient plus attrayantes.

Maintenant qu'il occupait son nouveau poste, il avait la possibilité, de concrétiser ses idées.  Il constitua presque immédiatement un comité composé de gens créatifs, dans le but d'explorer les allées qui s'offraient à lui, en plus de trouver un thème auquel pourrait se greffer la nouvelle image rajeunie de Ford.  Il se réserva la présidence de ce nouveau comité qui était composé de Don Frey directeur de la planification et son assistant.  Hal Sperlich.  Bob Eggert, responsable de la mise en marché, Walt Murphy des relations publiques, Jacques Passino, responsable des projets spéciaux (courses), Chase Morsey, gérant de la mise en marché, John Bowers gérant de la publicité.  L'agence de publicité J. Walter Thompson participa également à ce remue-méninge.

Plutôt que de réunir son comité dans une des salles de conférence de Ford, Iacocca choisissait le Motel Fairlane, à Dearborn.  Bientôt, le comité fut surnommé le Comité Fairlane.  Le moulin à rumeurs se mettait en marche.  Iacocca fut accusé de tenir des réunions secrètes et clandestines, afin de cacher aux hautes autorités de la compagnie ses vraies intentions.  En fait, ce Motel était situé à un endroit facile d'accès pour tous, alors que le but des premières réunions était de trouver comment attaquer les problèmes soumis à l'ordre du jour.  Malgré les protestations, des membres du Comité, plusieurs, chez Ford, étaient convaincus qu'il se tramait un complot, au Motel Fairlane.

Le Comité Fairlane siégea pendant quatorze semaines.  De nombreuses idées jaillirent de ce remue-méninge, dont, entre autres, comment prendre une automobile appelée Falcon et en faire une voiture sport?  Cette nouvelle voiture devait être la pierre d'assise d'un nouveau thème qui porta, plus tard, le nom « Total Performance ».  L'autre voie que choisit le comité fut de faire un retour en force sur les pistes de course.  Cette facette fut confiée à Jacques Passino.  Pendant ce temps, Lee Iacocca et les autres s'activaient à transformer le rêve, qui deviendra la Mustang, en réalité.

Le succès que remportait la Falcon, malgré son image austère et minimaliste, faisait subodorer à Iacocca que l'avenir était aux voitures de type compact.  Le Comité Fairlane en était venu à la conclusion que si le format compact était le format idoine, une automobile de ce modèle, pour connaitre le succès, doit avoir un dessin de carrosserie enjolivé par des traits sportifs, afin de la distinguer de la berline au dessin plus trivial.  Ce qui était recherché était une automobile nouvelle, ayant une allure emballante, capable de changer l'image de la FoMoCo.

Au cours des années cinquante, les fabricants d'automobiles cherchaient à améliorer la qualité de leurs produits en les rendant plus étanches à l'eau et en réduisant les bruits de caisse.  La priorité fut donnée à l'augmentation de la qualité, de la durabilité et de la fiabilité des voitures.  Ces trois points apparaissaient en tête de liste des priorités établies par le Comité Fairlane.

Le groupe détermina les paramètres de ce que devait être la future voiture, en statuant qu'elle devait être petite, pas plus de 180 pouces de long, légère, soit, environ 2 500 livres et avoir un prix d'achat abordable, soit environ 2 500,00 $.  Par ailleurs, elle devait être capable de recevoir quatre passagers, sa silhouette devait avoir des lignes sportives, en ayant un long capot et un coffre court, un profile, bas qui rappelait, celui qui avait fait le succès de la Thunderbird deux passagers.  L'éventail des moteurs offerts devait partir d'un six cylindres jusqu'à un V-8 performant, alors que les listes des versions et des options devaient répondre aux gouts de tout un chacun.

Les travaux sur le projet débutèrent à la fin de 1961.  Le temps était à l'enthousiasme, l'économie était au beau fixe, John F. Kennedy était le nouveau président des États-Unis avec les promesses d'un monde meilleur.  Chez Ford, la venue de Iacocca et son équipe de jeunes fonceurs redynamisaient la compagnie.  Il s'agissait d'un véritable Walhalla, où la chimie des gens était en parfaite symbiose avec la chimie de l'époque.

Les études de faisabilité de la nouvelle voiture étaient accompagnées d'une étude du marché, qui mesurait l'impact de l'arrivée sur le marché du travail des premiers Babyboumeurs.  Selon les statistiques, les Boomers atteindraient la majorité au milieu des années soixante.  Le groupe d'âge, de 15 à 29 ans augmentera de 40 %, entre 1960 et 1970, alors que le groupe d'âge de 30 à 39 ans diminuera de 9 %.

Ces études sociologiques démontraient que les consommateurs étaient de plus en plus instruits, plus raffinés et plus sélectifs pour leurs achats.  L'exode vers les banlieues ouvrait un nouveau marché.  Ce marché était celui de la deuxième voiture, achetée par Madame qui devait se déplacer pour les besoins domestiques.  Généralement, ces dernières étaient attirées par une voiture aux dimensions plus modestes, plus facile à conduire et à garer.  Grâce à ces études, les chercheurs constatèrent que le consommateur était attiré par une voiture à l'allure sportive, offrant des prestations relevées.  De plus en plus optaient pour une voiture, offrant des sièges baquets, une console, avec le levier de changement de vitesses au plancher, avec le moteur le plus puissant possible.

Chez GM, on était aussi à l'écoute.  Le département des ventes de Chevrolet profita de cette nouvelle tendance pour revamper leur Corvair, qui en avait bien besoin, afin d'augmenter sa popularité.  Ils en firent une version plus sportive qu'ils nommèrent la Monza.  Offerte en 1961, cette Monza connaissait un certain succès et faisait même craindre aux stratèges, chez Ford, que Chevrolet était en train de changer sa défaite en victoire.

Les acheteurs de Falcon, enjolivaient leur compacte avec de plus en plus d'options.  Ils commandaient des boites de vitesses automatiques, des intérieurs plus luxueux, des pneus à flancs blancs.  Les consommateurs voulaient tellement une voiture économique qu'ils étaient prêts à la payer le gros prix.  Lee Iacocca observa les nouvelles tendances et réalisa que ce dont Ford avait besoin, c'était une automobile avec la classe et la performance de la Thunderbird au prix d'une Falcon.

Les recherchistes continuaient de triturer les faits, les statistiques et les projections vers le futur.  Les analystes prévoyaient, que non seulement, les jeunes occuperaient une part de plus en plus importante du marché, mais qu'ils seraient de plus en plus instruits.  Ils auront donc des salaires plus élevés que la moyenne.  Leurs projections fixaient à 10 000,00 $ le salaire de ces futurs consommateurs et prévoyaient même qu'il triplerait entre 1960 et 1970.

Des sondages étaient tenus, pour vérifier si la demande était forte pour une voiture au dessin sportif, avec un prix de vente à la portée du salarié moyen.  La réponse qu'ils reçurent n'était pas si ce genre de voiture était souhaitable, mais dans combien de temps allez-vous la construire?

Le groupe d'âge visé par Iacocca était les 18-24 ans, soit les jeunes amorçant leur carrière, ceux qui lançaient les modes.  Il était tellement sûr de détenir le bon filon, qu'il pressa ses troupes d'avancer à toute vitesse, avant que quelqu'un d'autre flaire la bonne affaire et les coiffes au poteau.

Cette vaste consultation populaire, probablement la plus exhaustive a avoir été tenue, indiquait qu'en 1960, une voiture sur deux, était achetée par un représentant du groupe d'âges des 18-34 ans.  Elle démontrait également que l'absence d'une voiture de type sportive, chez Ford, expliquait pourquoi la différence d'âge entre les acheteurs d'autos de marque Chevrolet ne cessait de s'accentuer avec ceux qui achetaient des Ford.  Une décision devait être prise rapidement pour redresser la situation.

Pour inverser la tendance, le Comité Fairlane suggéra de mettre la publicité sur la sécurité en sourdine.  Les ceintures de sécurité et volant en retrait furent relégués à l'arrière-plan.  L'accent fut mis sur la performance.  Ceux qui orchestrèrent cette nouvelle campagne de publicité, connue sous le nom de « The Lively Ones », s’étaient réunis dans une pièce, sans fenêtre, dans l'auditorium de la Division Ford, connue sous le nom de La tombe.  Iacocca imposa des règles de sécurité dignes du KGB.  Après une séance de travail, les papiers jetés à la poubelle étaient brulés par un superviseur, afin d'éviter toute fuite.

De cette tombe émergea un programme, pour changer l'image de la Falcon.  Des toits de vinyle, des boites de vitesses, avec levier au plancher, furent offerts sur la grosse Ford.  La grande nouveauté fut le lancement de la Fairlane, une nouvelle intermédiaire qui a été mise sur le marché en mi-saison de 1962.  La Falcon avait une nouvelle version sportive qui avait comme nom Futura.  Offerte en modèles coupés et décapotables, elle offrait des sièges baquets et un levier de changement de vitesses au plancher.  La coupée avait enfin le toit avec un panneau de custode à angle droit hérité de la Thunderbird.  Motorisées par le nouveau V-8 de 221 p.c. les Falcon en version Sprint offraient des prestations acceptables.  À cette période, le thème de la campagne avait changé pour « Total Performance ».

Le niveau ascendant des ventes conforta Iacocca dans son intention de mettre sur le marché une nouvelle voiture, le plus vite possible.  Il avait plein de cartes d'atout dans son jeu.  Il avait un moteur V-8 léger et performant.  Il avait la plateforme, la suspension et les rouages d'entrainement de la Falcon.  De plus, il avait une foule de pièces qu'il pouvait prendre sur la Fairlane, si le besoin s'en fait sentir.  Il avait tout ce dont il avait besoin pour construire une voiture, sauf la carrosserie.  Comme la Thunderbird était très populaire, il rêvait de mettre sur le marché une Thunderbird à la portée de l'homme de la rue.

Lee Iacocca jonglait avec cette idée depuis un an et demi, essayant de combiner différents formats, différents styles, différents prix.  Au milieu de l'année 1961, il demanda à Gene Bordinat, chef stylicien, de réunir tous les modèles produits par Chevrolet et de les comparer avec ceux produits par Ford.  Toutes les voitures étaient alignées, face à face sur un terrain.  Comme il l'avait prévu, il trouva un espace vide, en face de la Corvair Monza.

Heureusement pour Iacocca, Bordinat avait quelque chose à lui montrer.  Ses styliciens travaillaient clandestinement, depuis environ un an sur une petite voiture, à la recherche du meilleur style à donner à une petite voiture sport.  Comme cet exercice n'était pas officiel et qu'aucune motorisation n'était choisie, les styliciens décidèrent d'adopter le thème long capot coffre minuscule, pour l'excellente raison qu'un capot allongé en met plein la vue, laissant sous-entendre qu'il cache un moteur gros et puissant.  Cette voiture portait le nom de code « Allegro ».  Elle était capable d'accueillir quatre passagers.

C'était exactement ce que Iacocca avait en tête.  Le dessin de la voiture ne l'inspira pas particulièrement, mais son existence était la preuve de la faisabilité d'une telle automobile pouvait entrer en production en série.  Iacocca désirait voir plusieurs variations sur ce thème.  Il demanda donc à Bordinat de mettre ses styliciens et ses modeleurs sur ce projet, toute affaire cassante.  Ces derniers bâtirent plusieurs modèles de deux passagers, de 2 + 2 et quatre passagers, avec différentes dispositions de l'habitacle.

Pendant que Bordinat et ses hommes planchaient sur leur Allegro, Iacocca demanda à Tom Case d'examiner la possibilité de construire une voiture quatre passagers, en utilisant la carrosserie de la Thunderbird deux passagers, 1955.  Il travailla donc sur ce projet pendant environ six mois, faisant une étude complète, incluant les couts de production, la marge de profit, etc.  Comme solution de rechange, il demande à la compagnie Budd qui avait fabriqué les carrosseries des Thunderbird 1955-56-57 si les matrices étaient toujours disponibles et s'ils étaient capables de les remettre en marche.

Chez Budd, on était enthousiasmé par le projet.  Un prototype fut construit, en utilisant une carrosserie de Thunderbird 1957 modifiée, qu'ils fixèrent sur une plateforme de Falcon 1961.  Ils lui donnèrent le nom de XT-Bird.  Comme siège arrière, ils placèrent des strapontins qui pouvaient être occupés par des enfants, quand le toit était relevé.  Sa silhouette était celle d'une T-Bird 1957 allongée, sans ailerons et sans entrée d'air sur le capot.  Les couts de production étaient fixés à moins d'un million et demi de dollars, alors que les couts de fabrication de l'outillage pour produire une nouvelle carrosserie étaient évalués à six-millions $.   Budd ajouta qu'ils étaient prêts à entrer en production en moins de six mois.  Ils avaient même fait un sondage maison qui indiqua qu'un marché existait pour leur XT-Bird.

Toutefois, pour les gestionnaires de Ford, la XT-Bird ressemblait plus à une Falcon qu'à une Thunderbird.  Son cout de production était trop élevé et elle demeurait une deux passagers, ce qui limitait son marché à environ 50 000 exemplaires par année.  Ce que voulait Iacocca était une voiture capable de recevoir quatre passagers.  Il réalisa qu'avec la proposition de la Compagnie Budd, il gagnerait un temps précieux, mais il décida quand même de construire une voiture complètement nouvelle.

Au début de 1962, Tom Case avait terminé la conception d'un véhicule quatre passagers, comme lui avait demandé Lee Iacocca.  Comme Case avait été promu responsable du studio de dessin avancé Ford/Mercury, le flambeau était passé à Don Frey et à son assistant, Hal Sperlich, du studio des projets spéciaux.  À eux incombait le défi de concevoir une voiture sport pouvant recevoir quatre passagers.  Le projet porta le nom de code « Special Falcon ».

Au début, ils procédèrent par essais et erreurs, en essayant différents dessins de la carrosserie de la Falcon.  Bientôt, ils réalisèrent qu'ils cherchaient à résoudre la quadrature du cercle, en tentant de transformer la carrosserie triviale de la Falcon en une voiture sport emballante.  Ils retournèrent à leur planche à dessin, pour repartir de zéro.

Pendant ce temps, les styliciens de Gene Bordinat du studio de dessins avancés travaillaient sur une demi-douzaine de prototypes, avec plus ou moins de succès.  Au milieu de l'année 1962, l'un des prototypes, dont le dessin semblait prometteur, connu sous le nom de code, « Blue Letter » fut rejeté par le comité de sélection.  Dans ses mémoires, Gene Bordinat écrivait que le problème auquel les styliciens étaient confrontés était de donner des lignes sportives à une auto capable d'accueillir quatre passagers, tout en assurant assez d'espace aux passagers occupant les places arrière.  Or, après pratiquement neuf mois de recherches, de dessins, de palabres et de réunions, ils réalisèrent que les dimensions recherchées étaient justement celles de l'Allegro, qui était là depuis le début.  Souvent, l'arbre nous empêche de voir la forêt...

Iacocca devenait de plus en plus impatient devant les résultats mitigés obtenus et de l'absence de progrès de l'évolution des dessins fournis par les différents styliciens.  Il décida d'élargir le concours.  Il ordonna à Bordinat d'engager les trois équipes des studios de stylique de Ford/Mercury, dans un concours et exigeait, d'avoir six voitures concepts, construites en argile, en deux semaines.  Le défi fouetta les troupes et chacun se mettait au travail.  Ces styliciens, qui normalement partageaient leurs idées, travaillaient désormais derrière des portes barrées à double tour, refusant de laisser entrer leurs collègues des autres équipes.  Chacun était déterminé à remporter le concours.

À la fin du délai, imposé par Iacocca, les six prototypes furent examinés par un comité de sélection dont faisait partie Henry Ford II.  Au début, Iacocca préférait le prototype nommé Stiletto.  Mais, quand il eut fait évaluer les couts de production, la Stiletto ne pouvait pas rencontrer le prix de vente fixé à 2 500,00 $.  L'une des autres voitures, dessinée par David Ash, assistant de Joe Oros, chef stylicien du Studio Ford, ressortait vraiment du groupe.  Elle portait le nom de Cougar.  La victoire de la Cougar n'était pas une coïncidence.  Elle était celle qui affichait le plus de traits communs avec la Thunderbird et la Continental Mark II, dans la ligne de son toit et sur son profil.  Les autres styliciens avaient trop voulu être soit trop italiens ou avaient trop imité les rondeurs de la Corvair.  La Cougar était sans doute la voiture dont le dessin s'était rendu jusqu'à la production sans subir pratiquement aucune modification.

Malgré tous les aléas et les atermoiements qui avaient accompagné la recherche de la voiture qui ouvrirait un nouveau segment du marché, soit celui des jeunes de coeur et d'esprit.  Il appert que cette recherche était la partie facile.  Il restait à Lee Iacocca à vendre son idée aux hauts dirigeants de la FoMoCo.  De convaincre ces derniers de mettre la voiture en production le plus tôt possible, avant que quelqu'un d'autre le fasse.  Le Comité Fairlane en était rendu à sa troisième proposition, sans avoir encore obtenu l'aval des Huiles de la compagnie.  Iacocca reprenait le bâton du pèlerin et se rendit rencontrer Henry Ford II à son bureau.  Il réussissait à le convaincre de retourner revoir la Cougar.  Il avait obtenu la permission de présenter la voiture devant un comité de sélection de la compagnie.  Lors de cette présentation, le 10 septembre 1962, Henry Ford II acquiesça enfin, du bout des lèvres, à la demande de Iacocca.

Quand il se présenta devant le gotha de la compagnie, Iacocca avait trois obstacles à franchir.  Dans un premier temps, les comptables prudents ne voyaient pas du tout la nécessité de dépenser une telle somme d'argent pour satisfaire un marché somme toute aléatoire, des jeunes qui commençaient à arriver en force sur le marché du travail.  Ils ne manquaient pas de souligner l'inanité de la demande de Lee.  Autre difficulté, pour Iacocca, il lui fallait être blindé, pour proposer une nouvelle voiture aux gestionnaires de Ford.  Ces derniers regardaient avec beaucoup de circonspection toute nouvelle automobile, ayant encore, frais à l'esprit, le fiasco qu'avait connu l'Edsel.  L'aventure Edsel avait couté une fortune à la FoMoCo en plus d’avoir terni l'image de la compagnie.  Chacun se souvenait que les sondages du marché avaient certifié que cette nouvelle Edsel connaitrait le succès instantanément.  Finalement, la décision de dépenser 250 millions de dollars, pour produire les Ford modèles 1965 venait d'être prise.  Il ne restait plus beaucoup de sous dans la tirelire.

Une étude fut commandée, afin de déterminer le volume de vente susceptible d'être atteint, par la nouvelle voiture, en tenant compte des dommages qu'elle causerait aux ventes de la Falcon et de la Fairlane.  L'auteur de cette étude du marché, George Brown, arriva au chiffre de 86 000, chiffre trop bas pour justifier une telle dépense.  Par contre, Brown avisa les membres du comité d'utiliser leur jugement d'homme d'automobile pour prendre leur décision.

Du côté positif, Henry II commençait à aimer l'idée de produire cette auto.  Comme son nom était écrit sur la porte de l'usine, cela pouvait peser lourd dans une décision.  Avec le magnifique dessin de Dave Ash, Iacocca avait une carte maitresse.  La voiture pouvait être mise en production rapidement, avec un investissement minimum, en utilisant les pièces de la Falcon.  Finalement, Iacocca et son équipe avaient très bien fait leurs devoirs.  Une foule d'études avaient été tenues sur la faisabilité du produit, les couts de production, les marges de profits, la mise en marché, etc.  Tout ce travail était nécessaire, pour vendre ce concept à des gestionnaires qui n'y comprenaient pas grand-chose et qui n'en voulaient tout simplement pas.  Les premières projections des ventes étaient fixées à 75 000 unités.  Ce chiffre était l'argument déterminant pour faire adopter le projet.

Quand Lee Iacocca sortit de cette réunion, en septembre 1962, il avait obtenu une approbation accordée à contrecœur, par un comité dont les membres étaient dubitatifs sur la pertinence d'un tel véhicule, dans les salles d’exposition de la compagnie Ford.  Il obtenait un maigre 40 millions de dollars, pour terminer la mise au point de la voiture et se procurer l'outillage nécessaire à sa fabrication.  Plus tard, Lee Iacocca dira que cette vente avait été la plus difficile de sa vie.  Un commentaire signifiant, venant d'un homme qui faisait carrière dans le réseau très compétitif des ventes chez Ford.

On décida de construire la voiture à l'usine de Dearborn.  La première auto devait sortir des chaines de montage le 9 mars 1964.  La présentation au public devait se faire cinq semaines plus tard.  Le temps de gestation normal pour ce genre de projet, de son acceptation à la production est de trois ans.  Iacocca et son groupe avaient dix-huit mois pour concrétiser leur rêve.

Le slogan.»Total Performance» fut appuyé par la décision du Comité Fairlane d'établir une participation active aux courses.  Il y avait un os dans la moulinette contre la participation de Ford, aux différentes compétitions tenues aux États-Unis.  La compagnie Ford, comme les autres constructeurs d'automobiles, était liée par une interdiction de participer à ce genre d'activités.  Cet interdit avait été promulgué, en 1957, par la AMA (Automobiles Manufacturers Association) dont Henry II Ford était le président.  Rapidement, il était devenu évident que Chevrolet et Pontiac trichaient en fournissant, par la porte arrière, des pièces haute performance à des écuries participant à des courses tenues sous l'égide de la NASCAR.  Henry II réalisa que GM, faisait la sourde oreille, aux plaintes qu'il déposait, afin de forcer Chevrolet et Pontiac à respecter l'esprit et la lettre de l'entente signée.  Devant ces faits, Ford se retira de l'entente.  Une campagne de compétitions tous azimuts fut lancée.  Toutes les facettes de la course automobile furent couvertes, partant des courses des voitures de production, des courses d'accélération, jusqu'à Indianapolis.  À la suggestion de l'agence de publicité J. Walter Thompson, plusieurs Falcon furent préparées pour participer au rallye de Monte-Carlo de 1963, une façon de montrer qu'elle en avait dans le ventre.  Toutes ces nouvelles stratégies furent mises de l'avant pour changer l'image de Ford et à la longue, paver la voie au lancement triomphal de la nouvelle Mustang, au printemps de 1964.

Il est intéressant de constater que la première voiture de Ford à porter le nom de Mustang n'est pas celle que l'on connait aujourd'hui.  Cet honneur revient à une petite sous-compacte que Robert McNamara, alors président de la Division Ford, tentait de mettre sur le marché, depuis la fin des années cinquante.  Cette campagne ne donnera pas naissance à la Mustang, mais curieux rebondissement des choses, à la légendaire Ford GT-40.  Avec ce programme qui portait le nom de projet Cardinal, McNamara désirait mettre sur le marché une petite voiture économique à l'achat et à l'usage, capable de se mesurer directement à la Volkswagen Bettle, ce que la Falcon n'avait jamais été en mesure de faire.  Son but était de faire fabriquer cette voiture en Allemagne, pour le marché européen et américain.  Il s'agissait d'une petite voiture sans frime extérieure, mais à la fine pointe de la technologie sous son capot, où on retrouvait un petit moteur V-4 et une traction avant.  Elle devait être lancée sur le marché en 1962.  Les couts astronomiques qu'avait nécessités sa mise au point, en 1960-61, faisaient que l'argent manquait pour lancer la campagne de courses tous azimuts que le Comité Fairlane voulait enclencher.

La porte n'était pas encore fermée, après le départ de Robert McNamara, appelé par la nouvelle administration de John F. Kennedy, pour occuper le poste de Secrétaire à la Défense, que Lee Iacocca, son successeur, commençait à ourdir différents scénarios pour tuer la Cardinal, du moins, pour le marché Nord-Américain.  Cette petite voiture économique et poussive était aux antipodes de la campagne Total Performance que Iacocca était sur le point de lancer.

Il se rendit en Allemagne, pour aviser les gestionnaires de Ford Allemagne de ne pas compter sur les 300 000 véhicules que les analystes avaient prévus, pour le marché nord-américain.  Il revient à Dearborn et réussissait à convaincre les directeurs de Ford de ne pas investir les 35 millions de dollars promis pour la mise au point de la Cardinal.  Iacocca venait de trouver l'argent nécessaire à sa campagne Total Performance, au détriment de Ford Allemagne.

La Cardinal, comme le Phénix, oiseau mythologique, renaitra de ses cendres et deviendra la Taunus 12/15, qui se vendit en 2,5 millions d'exemplaires, entre 1962 et 1970.  Elle a été la première voiture à faire une percée dans les ventes de la Volkswagen, et ce, sur son propre territoire.  De plus, la conception de la boite-pont de cette traction avant était tellement avancée, qu'elle força Volkswagen et Renault à retourner à leur planche à dessin et d'adopter la traction avant.

Au début de 1962, alors que Iacocca et Bordinat cogitaient sur le format idéal que devrait avoir une petite voiture sport, pour toucher le cœur des Américains, plusieurs de leurs assistants jonglaient avec l'idée de construire une petite voiture à moteur central.  Bordinat, qui était responsable du studio de la stylique chez Ford, délégua ce dossier à ses assistants, Damon Woods, pour les intérieurs et Bob Maguire, pour les extérieurs.  Sous leurs ordres travaillaient les styliciens John Najjar et Jim Sipple.  C'est sur les tables à dessin de ces derniers que naissait la petite voiture à moteur central qui a porté la première, le nom de Mustang.  Elle était motorisée par le petit moteur V-4 de la Cardinal.

À la même époque, les responsables du département des relations publiques se cherchaient justement une voiture concept, assez futuriste pour être capable de laisser pantois les journalistes, lors de la présentation des Ford modèles 1963.  Leur quête les conduisit au studio de la stylique de Ford, où Bordinat leur montra les esquisses produites par ses styliciens, dont celle de l'équipe Najjar /Sipple.  Ils tombèrent en amour avec ce qu'ils voyaient.  La tâche de matérialiser le dessin en voiture fonctionnelle incomba à Roy Lunn, ingénieur spécialisé en conception de véhicule à moteur central.  Les travaux débutèrent le 9 mai 1962 et Lunn et son équipe avaient exactement quatre mois pour construire la voiture.  Le 24 mai, de l'aide extérieure fut demandée à la compagnie Troutman-Barnes de Culver City, Californie.  Une semaine plus tard, les dessins tirés du modèle d'argile furent complétés.  Ils furent approuvés et envoyés le 4 juin à Troutman-Barnes.  Le 9 juin, une carrosserie de plastique, accompagnée des dessins de l'intérieur, du châssis, du réservoir à essence, du système d'échappement et la liste de la quincaillerie nécessaire furent retournés.  Le 20 juin, un modèle en bois du moteur avec sa boite-pont suit la même voie.

Le 23 aout, toutes les composantes mécaniques furent expédiées.  Alors débuta la tâche titanesque de faire prendre vie à toutes ces pièces.  Le moteur V-4 Taunus modifié fut fourni, le 18 septembre, par le département Advanced Engine Engineering.  La boite-pont était fabriquée par la Transmission and Chassis Division et acheminée le 21 septembre.  Le département de la stylique envoyait la carrosserie peinte, avec sa finition le 23 septembre.  Les neuf jours suivants furent employés à l'assemblage final de la voiture.  Le 2 octobre, la voiture était montrée aux gestionnaires de la FoMoCo, pour être ensuite expédiée, la même journée, à Watkins Glen, New York, pour être présentée au public lors de la course US Grand Prix tenue le 7 octobre.

Construire une voiture de course en partant du modèle d'argile en seulement cinq mois est tout un exploit en soi.  Ce projet a été mené à bien par des employés de Ford, enthousiasmes à l'idée de construire une voiture de course.  Ces gens avaient fabriqué des pièces, à partir de rien.  D'autres avaient été puisés dans les casiers des pièces.  Par exemple, les ingénieurs, en Allemagne, avaient construit un moteur et une boite-pont de Taunus de trop.  Elle a été envoyée, en douce à Détroit.  La crémaillère avait été empruntée d'un autre projet et, ainsi de suite, la voiture avait prit corps.

Le nom Mustang lui avait été attribué par John Najjar, auteur des premiers croquis de sa carrosserie.  Contrairement à ce qui est généralement admis, ce nom ne lui a pas été inspiré par le cheval sauvage, mais plutôt par le célèbre avion chasseur de la Deuxième Guerre mondiale, le P-51, auquel John Najjar portait une admiration sans bornes.  Il suggéra donc ce nom à John Breeden, responsable du bureau des affaires publiques.  Ce dernier, après avoir consulté les avocats-conseils de Ford, recevait la permission des hautes instances de la compagnie, de l'utiliser.  Il fit donc paraitre un entrefilet accrocheur, dans les grands journaux de Détroit, dans lequel il disait qu'un nouveau cheval nommé Mustang faisait partie dorénavant du corral de Ford.  Trois jours plus tard, Najjar recevait un appel de Chuck Jordan, du bureau de la stylique de GM lui demandant si cette rumeur de nouvelle voiture au nom de Mustang était vraie.  Il lui répond par l'affirmative.  Jordan lui dit alors que le chef styliste Mitchell venait de terminer une voiture concept, qui portait le nom de Mustang, avec référence au cheval sauvage et tout le tremblement.  Il demanda à Najjar : « Vous n'avez pas d'autres noms? »  Najjar lui répond du tac au tac : « Oui, nous pouvons utiliser étalon, ou jument! »

Bien que le nom était inspiré par celui d’un avion, la description de la voiture s'apparentait plus à la définition que donne le dictionnaire d'un Mustang, un robuste cheval des plaines de l'ouest des États-Unis.  Najjar et le dessinateur Phil Clark dessinent un cheval au galop en surimpression sur trois barres verticales, une rouge, une blanche et une bleue, afin de faire contraste avec le mouvement du cheval au galop.  Ce dessin donna naissance au logo de la Mustang, que nous connaissons aujourd'hui.

Avec son châssis confectionné de tube d'acier, la Mustang I comme nous l'appelons aujourd'hui, devait répondre aux normes de la SCCA (Sports Car Club of Amerca) et de la FIA (Fédération Internationale de l'Automobile) en plus d'avoir tous les équipements requis pour circuler sur les routes.  Son moteur V-4 de 1 500 c c, disposé à 60 ° voyait sa puissance passée de 89 ch à 109 ch, grâce à l'augmentation de son taux de compression, l'ajout de collecteurs d'échappement spéciaux, d'un arbre à cames de type compétitions, de ressorts de soupapes robustes et par l'ajout de deux carburateurs Weber.  Il était vissé à une boite de vitesses à quatre rapports.  La suspension était indépendante, alors que les freins étaient à disques à l'avant et à tambours à l'arrière.  Les pneus étaient de dimensions 5,30 X 13", montés sur des roues de magnésium coulé de 13 X 5 ».

Visiblement, ceux qui avaient construit cette première Mustang l'avaient fait, avec en tête, la possibilité de la mettre en production dans un délai très court.  Toutefois, il ne semble pas que les décideurs chez Ford, en particulier Lee Iacocca, y avaient songé.  Dans leur esprit, cette voiture n'était destinée à rien d'autre qu'à mettre les jeunes en appétit, des choses à venir chez Ford.  Quand on compare la Mustang I avec les Fiat 1500, MGA 1600, Porsche 1600, Sunbeam Alpine, Triumph TR-4 et Alfa Romeo Spider, qui pouvaient être potentiellement ses concurrentes, la Mustang I était nettement plus révolutionnaire qu'elles, en ce qui regarde son style, son ingénierie et son concept.  Toutefois, même en format dilué, ses couts de production auraient été trop élevés, pour qu'elle soit compétitive sur le marché des années soixante.  On peut cependant rêver.  Quel formidable bolide, elle aurait pu être.

Son lancement à Watkins Glen fut un réveil brutal pour Chevrolet dont la Monza GT construite sur une plateforme de Corvair passa pratiquement inaperçue.  La foule et les journalistes en avaient que pour la Mustang I qui faisait la une de pratiquement toutes les revues d'automobiles, accompagnée d'articles dithyrambiques la décrivant en détail.  Seuls quelques initiés savaient que cette voiture ne servait qu'à occuper la scène et soutenir l'attention du public, en attendant que la grande étoile arrive, avec ses quatre places.  Elle fut en vedette américaine jusqu'au lancement de la vraie Mustang.  Ne pouvant pas être ubiquiste, une copie fut faite, sans motorisation.  Elle fut utilisée pour être exhibée dans les différents Salons de l'auto, à travers les États-Unis.  La pérennité de la Mustang I fut assurée par le fait que sa conception avait inspiré Roy Lunn à continuer ses recherches.  Ce qui le mena à fabriquer la légendaire Ford GT-40.  Elle serait sans doute disparue dans un haut fourneau, sans la vigilance de Frank Theyleg, Morris Garter et Chuck Gumushian.  Ces derniers avaient entrepris une partie de cache-cache, avec les comptables, en mal de coupes budgétaires.  Cette partie durera quatorze ans.  Les trois Mousquetaires qui s’étaient donnés comme mission de sauver la Mustang I.  Ils tentaient, ponctuellement, de convaincre quelqu'un chez Ford de produire une petite voiture sport, sans succès.  Puis vint le moment où les cachettes sures se firent de plus en plus rares, pendant que la qualité de la voiture se détériorait lentement.  Le trio réalisa que leur mission était en danger, avec l'heure de la retraite qui approchait et le fait que des gens sans scrupules tentaient de la cacher dans une grange pour la détourner en leur faveur.  Ils frappèrent donc avant tous, en manœuvrant pour qu'elle soit donnée à un musée.  Ils avaient réussi à la sauver de tous les dangers le 3 novembre 1975, quand la Ford Motor Company la donna officiellement à la Edison Institute, pour qu'elle soit exposée au Henry Ford Museum à Dearborn, Michigan.

En ne mettant pas une petite voiture sport deux passagers sur le marché, Lee Iacocca était content de laisser ce marché, qui représentait des ventes d'environ 50 000 exemplaires, que se disputaient la Corvette de Chevrolet et les autos sport européennes.  Il chassait une plus grosse proie.  À la fin de 1962, il avait l'appât parfait pour attraper le gibier qu'il avait en tête.

Après avoir obtenu la permission de produire la voiture dont il rêvait depuis des lustres, Iacocca fixa sa date de lancement à dix-huit mois, un échéancier à peu près impossible à atteindre.  Heureusement, pour son équipe, les grandes lignes de la voiture étaient tracées.  En fait, ceux qui travaillaient sur le projet étaient tellement enthousiastes que l'habituelle guerre larvée qui se fait entre les styliciens qui veulent conserver l'intégrité de leurs dessins, qui pour eux est une oeuvre d'art, les ingénieurs qui doivent convertir ce dessin en pièces de métal et de verre, ne voient dans le chef-d'oeuvre des styliciens que vis, boulons, feuilles de tôle qui doivent s'ajuster l'une à l'autre.  Entre les deux camps se place le responsable de la production qui doit tempérer l'ardeur des antagonistes.  Ce dernier doit produire la voiture la plus belle possible, au meilleur cout possible, tout en évitant de mettre sur le marché une automobile fade, n'inspirant aucune ferveur de la part de qui que ce soit.

Heureusement, la Mustang n'avait pas été conçue par un comité ou tout le monde ont leurs mots à dire et ne sont d'accord avec rien.  Premièrement, le projet avait été conduit par Iacocca, avec un égo plus grand que nature.  Or, il en avait fait son bébé.  Deuxièmement, le dessin de la voiture était tellement bien ciblé que personne n'avait jamais remis son intégrité en cause.  Troisièmement, le projet qui portait le nom de code T-5 fut tellement insignifiant, par rapport à l'échelle des autres projets qui avaient cours chez Ford, que personne, de l'extérieur n'avait tenté de venir regarder par dessus l'épaule de ceux qui y planchaient.  Et, finalement, le temps et l'argent avaient joué en faveur de la Mustang.  Avec un budget si ténu que celui qui avait été accordé en seulement dix-huit mois pour le rendre à terme, il restait très peu de place à l'erreur, les désaccords et la tergiversation.

Des modifications mineures furent quand même apportées à la carrosserie, particulièrement à la calandre, qui à cause de sa grande ouverture, causait quelques problèmes de production.  Finalement, on opta pour une calandre avec quatre barres, afin de diviser l'entrée en quatre quadrants.  La calandre fut allongée vers l'avant, précédant les ailes, pour donner un air plus agressif à l'auto.  L'emblème de la voiture connut une longue évolution.  Elle débute par T-5, puis, fut suivi de Cougar, pour revenir à Falcon, puis Torino et finalement Mustang.

À mesure que la Mustang prenait forme, les gens des autres Divisions qui ne rendaient même pas les appels, commencent à être plus coopératifs, appelant même pour offrir de l'aide.  Ils réalisaient que la Mustang serait une battante, appelée à un grand succès.  Tout le monde voulait donc que son nom apparaisse au tableau d'honneur.  L'échec est orpheline, alors que la réussite à une multitude de pères, c'est bien connu.  Par exemple, les ingénieurs de la Division des engrenages et des essieux, trop occupés pour aider à construire les différentiels avec huit rapports différents d'engrenages demandés, trouvent soudain le temps de les construire.  Le même problème fut rencontré avec les autres Divisions.  Les ingénieurs spécialisés en conception de système d'échappement refusèrent carrément leur aide, prétextant qu'ils avaient trop d'autres commandes à remplir.  Prendergast et Reuter, deux des membres de l'équipe responsable de la mise au point de la Mustang durent se résigner à dessiner le système d'échappement eux-mêmes.  Ils durent travailler de nuit, les tables à dessin étant toutes prises de jour.  Ils trouvèrent une solution originale au manque d'espace sous la voiture, en plaçant le silencieux transversalement, au-dessus des essieux arrière.

Le gros du travail consista à adapter les pièces de la Falcon.  La structure fut dessinée en utilisant celle de la Falcon, sans qu'elle soit identique.  Le même procédé fut appliqué aux pièces de la suspension, à la timonerie de la direction, aux freins, etc.  Les pièces furent soit renforcées, soit redessinées, afin de leur donner plus de robustesse pour soutenir le couple plus élevé du V-8 ou de donner une tenue de route plus sportive à la voiture.

Pressées par des échéanciers très courts, les choses tombèrent en place rapidement.  Les premières voitures assemblées à la main furent prêtes à prendre la route pour des essais routiers exhaustifs, au cours de l'automne 1963.  L'équipe avait été capable de rencontrer les paramètres fixés, pour les couts de production et du poids du véhicule, arrivant à 21,00 $ de moins pour le premier, et de quarante livres de moins, pour le second.  Plusieurs Mustang sillonnèrent les routes de l'Amérique au cours de l'hiver.  Partout où elles passaient, elles soulevaient les passions.  Au Kentucky, Reuter et son assistant arrêtèrent dans un restaurant pour souper, ils garèrent la voiture dans un coin discret.  Après avoir terminé leur repas, ils eurent la surprise de voir une foule de plus de 200 personnes qui admiraient la voiture dans un état second.  Ils tentent, sans succès, de semer leurs poursuivants en se rendant à leur motel.  La foule d'admirateurs les empêchant de dormir jusqu'à trois heures du matin.  Le jour suivant, alors qu'ils roulaient en Virginie, ils furent interceptés par un individu qui leur demanda si cette voiture est le poney d'Henry dont il avait entendu parler.  Ils lui expliquèrent qu'il s'agit d'une voiture expérimentale et que peut-être elle sera mise en production bientôt.  Il leur fut impossible de faire démordre le Texan qui voulait acheter la voiture.  Reuter lui disait que cette voiture avait probablement coûtée plus de 110 000, $.  Le Texan répondit : « OK, Je l'achète! »  Partout où la Mustang fut présentée, les gens évaluaient son prix d'achat à mille dollars et plus, à celui fixé par Ford.

Plus la rumeur de production de la Mustang prenait de l'ampleur, plus la réponse du public était extatique.  Les prévisions de production fixées à 75 000 unités furent révisées à la hausse.  Doublant dans un premier temps, puis, passaient à 200 000, au milieu de l'année 1963.  Ces chiffres étaient trop élevés pour qu'une seule usine puisse suffire à la tâche.  Iacocca avait réussit à convaincre ses patrons d'ouvrir un deuxième front.  L'usine de San Jose, en Californie fut choisie.  Sa capacité de production pouvait être portée à 300 000 véhicules.  L'acmé de la Mustang ne cessait de monter, une troisième usine fut convertie à la fabrication de la Mustang, avant même son lancement.  Les planificateurs étaient bien décidés à ne pas répéter l'erreur commise lors du lancement de la Falcon.  Personne, chez Ford, n'avait prévu l'accueil enthousiasme qu'avait reçu la Falcon.  L'offre n'avait jamais été capable de satisfaire la demande, ce qui avait occasionné des pertes financières pour la Compagnie.

Pendant que toute l'équipe peinait pour respecter la date de lancement fixée en avril 1964, ceux qui s'occupaient des relations publiques désiraient répéter le même coup publicitaire qu'ils avaient réussi avec la Mustang I, à Watkins Glen.  La décision fut donc prise de refaire le même coup, en prenant l'un des prototypes de la Mustang.  Sa raison d'être était de faire le lien, entre la Mustang I de 1962 et la Mustang qui sera mise sur le marché dans six mois.  Les modélistes utilisèrent une Mustang pré production, la convertissaient en décapotable, enlevèrent les parechocs, lui refirent un avant et un arrière, futuristes.  Le toit fut surbaissé, la voiture fut peinte en blanc, avec de larges bandes bleues. 

Elle fut présentée au public par Lee Iacocca lui-même, la veille du Grand Prix de Watkins Glen, en octobre 1963, sous le nom de Mustang II.  Les journalistes de la presse spécialisée furent subjugués par la voiture.  La Mustang II faisait les frais d'un reportage de la part du réseau CBS, en plus de faire la Une de la plupart des revues spécialisées, à travers le monde.  La Mustang II apportait une tonne de publicité autant à la voiture qu'au nom Mustang et par ricochet à la compagnie Ford.

Pendant ce temps, à Dearborn, les ingénieurs continuaient de se batte contre la montre.  Les problèmes furent réglés, l’un à la fois.  Certains étaient plus difficiles à résoudre que d'autres.  La tenue de route de la Mustang en était un.  Elle devenait survireuse, surtout quand elle est motorisée par un lourd V-8.  La masse du V-8 changeait la distribution du poids, ce qui rendait sa conduite plus difficile, à haute vitesse.  Les ingénieurs mettaient au point une suspension de type compétition, qui faisait le travail adéquatement.  Autre problème inattendu, quand le moteur V-8 de 260 p.c. tournait à 1 800 tr/min, un mugissement se faisait entendre dans le système d'échappement.  Les ingénieurs eurent beau changer les supports du tuyau d'échappement, rien à faire.  Finalement, quelqu'un eut l'idée de prendre les supports du V-8 de 390 p.c. et de les fixer à des endroits stratégiques pour régler le problème.

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