Chez General Motors, on semblait avoir un don inné, pour fabriquer des voitures de rêve. Les Motorama des années cinquante en sont un exemple patent. Lors de ces expositions, les cinq Divisions de GM montraient au public des prototypes exotiques, qui généralement ne voyaient jamais le jour, en tant que véhicule de production. Le but était d’en mettre plein la vue, aux amateurs d’automobiles, en les incitant à demeurer fidèles aux marques produites par GM, qui était, selon eux, la seule compagnie capable de leur faire miroiter les choses extraordinaires que leur réservait le futur. Les exemples de ces ballons d’essai foisonnent. La Buick Lucerne, la Corvette Indy, les Pontiac Firebird I, II et III.
Quelque trente ans plus tard, chez GM, on avait suivi un cheminement différent. Cette fois, seules les Divisions Cadillac et Buick se lancèrent dans l’aventure de construire une voiture hors série, au début des années quatre vingt, sans avoir préalablement envoyé un ballon d’essai dans les salons de l’auto, comme dans les années cinquante. Pontiac fit également acte de présence, à la même époque, en 1984, mais ça, c’est une autre histoire.
Cadillac faisait dessiner sa carrosserie par l’Italien Pininfarina, alors qu’un châssis de Buick Riviera modifié était utilisé, sur la Cadillac Allanté et sur la Buick Reatta. L’idée de produire la Reatta avait germé dans la tête de Lloyd E. Reuss, qui subodorait l’impacte que donnerait la production d’une petite sportive deux places sur l’image de Buick. Dans la hiérarchie de Buick, il occupait le poste d’ingénieur en chef. Il fut nommé Directeur général de la Division Buick, à la fin de l’année 1980. Utilisant sa nouvelle autorité, en 1981, il mettait sur pied un projet, afin de réaliser son rêve.
Dans un premier temps, ils durent fixer les paramètres de leur projet, qui était de concevoir une Buick deux places. Les questions qu’ils se posaient étaient : La voiture devait-elle être luxueuse? Ou plutôt du genre sportif? Être extravagante ? Et, question existentielle, s’il en est, quel, est le potentiel qu’offre le marché pour une voiture ne pouvant accueillir que deux passagers. Et dernière question, était-il assez grand pour assurer un retour d’investissement assez gros, pour rentabiliser le projet et générer des profits?
Une fois la décision prise d’aller de l’avant, en quelques mois seulement, une maquette en trois dimensions était construite. Toutefois, chez GM, on avait développé une culture d’entreprise particulière. À défaut d’être toujours à la fine pointe des tendances du marché et d’innover constamment pour y répondre, GM était souvent en mode défensif, en copiant les modèles produits par les concurrents, Chrysler et particulièrement Ford, surtout si ce modèle ouvrait un nouveau créneau du marché. Ce réflexe était tellement ancré que les dirigeants des différentes Divisions s’épiaient les uns, les autres. La compétition était devenue intramuros. C’est ainsi que le fait que Chevrolet avait déjà sur le marché une auto deux places avec la Corvette, amena Pontiac à se préparer à mettre la Fiero sur le marché, alors que Cadillac se préparait également à lancer la Allianté. Ainsi, la Buick Reatta devenait une auto deux places, une parmi tant d’autres...
Les choses allèrent rondement. Six mois après avoir reçu l’approbation des dirigeants, une maquette pleine grandeur était construite. En 1984, GM était en pleine réorganisation. Ne pouvant pas assurer la fabrication de la Reatta localement. Ceux qui souhaitaient la construire étaient tous des compagnies situées en Angleterre. Le travail avançait des deux côtés de l’Atlantique. La Buick Riviera était celle qui fournissait le plus de pièces, pour construire la Reatta, soit environ 65 % provenant de la Riviera et 35 % de pièces neuves. Par exemple, tout ce qui regardait les commandes électroniques était empruntées à la Riviera. Le plancher de la Riviera, coupé de 9.5 pouces, était utilisé, la suspension, le système de frein, la colonne de direction, le moteur V-6 de 3,8 litres étaient tous greffés sur la nouvelle voiture qui portait le nom de GM33. David North, l’un des responsables du projet, lui donna le non de Reata, qui est un mot en jargon américain/espagnol signifie lasso. Quelqu’un lui ajouta un deuxième T pour faire plus exotique.
Une fois les derniers problèmes de construction réglés, la Reatta était prête à être présentée au public. Elle avait sa propre carrosserie. Elle était assemblée à la main, par des équipes spécialisées à exécuter une seule fonction, toujours la même, de l’assemblage du véhicule. Quand leur travail était effectué, un robot acheminait le véhicule à une autre équipe, qui effectuait sa partie de l’assemblage et ainsi de suite, jusqu’à ce que la voiture soit complètement assemblée. Vingt-sept minutes étaient allouées à chaque équipe d’ouvriers, pour exécuter leurs travaux.
Dès le début de ce projet, le prix de vente de la Reatta avait été fixé entre 20 000,00 $ et 21 000,00 $, pour un modèle d’entrée de gamme. La clientèle ciblée était un homme ou une femme de 40 ans, bien éduqué, avec un salaire annuel de 50 000,00 $. Après avoir réalisé que le prix de vente fixé ne pouvait pas être atteint, et que le prix de vente réaliste se situait plutôt à 42 000,00 $, tous étaient d’accord pour constater qu’avec un prix de vente aussi costaud, les acheteurs ne manqueraient pas de hurler à la lune, s’ils devaient, en plus, payer pour avoir quelques équipements supplémentaires. La liste des options fut réduite à une seule, soit un siège à commande électrique à 16 positions.
Tous les problèmes inhérents au lancement d’une nouvelle voiture ayant été réglés, la Reatta fut présentée au public en novembre 1987. Toutes ces Reatta avaient été assemblées à l’usine de Lansing, Michigan. Les journalistes qui l’attendaient depuis longtemps y allèrent de leurs commentaires généralement positifs de la nouvelle Buick. Toutefois, certains soulignaient que chez Buick, ils ne mettaient pas assez d’emphase, sur le caractère spécifique de la Reatta, en faisant ressortir ce qui la distinguait des autres modèles produits par Buick.
Chez Buick, on présenta la Reatta, avec l’espoir d’en vendre au moins 20 000, par année. Cette voiture s’adressait à une clientèle d’un certain âge et même d’un âge certain. Or, elle était garnie de gadgets électroniques, tels qu’un écran tactile, qui était une interface, utilisée pour avoir accès à une foule de commandes, pour contrôler la radio, le climatiseur, le rendement du moteur, etc. La clientèle de la marque Buick était des gens d’âge mûr, très peu portés vers les gadgets électroniques. Ce gadget fut remplacé sur les modèles 1990 - 1991, par des bons vieux boutons poussoirs.
Pour raviver les ventes, des années 1988 et 1989, qui se chiffraient respectivement à 4 708 et 7 009, un modèle décapotable fut mis sur le marché, en 1990 et 1991. Malgré un prix de vente prohibitif, fixé à 55 000, 00 $, les ventes eurent un soubresaut, pour atteindre, en 1990, 6 383 décapotables et 2 132 coupées, pour péricliter à 1 214 décapotables et un maigre 305 coupées, en 1991.
Notre vedette a été fabriquée au cours de la meilleure année de production de la Reatta. Elle appartient à M. Gilles Guilbault. Elle provient de la succession du propriétaire du garage la Seigneurie, à Repentigny.