Après la mort de George Masson, le 8 octobre 1954, George Romney fut nommé au poste de Président d’American Motors. Ce dernier, bien conscient qu’AMC jouait le rôle de la souris dans le proverbial troupeau d’éléphants, il décida d’exploiter le seul créneau du marché, complètement négligé par les trois grands, Chrysler, Ford et GM, soit les voitures compactes.
À chacune des occasions qui se présentaient à lui, il n’hésitait pas à se changer en prédicateur pour haranguer les foules avec le zèle d’un prosélyte, les mettant en garde contre les autos produites par les trois grands qu’il comparait à des dinosaures qui se goinfraient de pétrole, tout en prenant trop de place, dans les villes, à cause de leur gabarit. À l’époque, avec l’essence à environ 30 cents le galon, les gens qui écoutaient son prêche préféraient penser au confort de leurs fesses, plutôt qu’à une crise du pétrole, loin, dans leur avenir.
Quand George Romney fut nommé sénateur de l’État du Michigan, il fut remplacé à la présidence d’AMC par Roy Abernethy. La première décision qu’il prit fut de faire rugir la souris, afin qu’elle impressionne les éléphants. Il décida de contrer les trois grands en leur opposant un modèle, contre chacun des leurs. Il décida également d’ajouter de la vigueur à la marque en offrant des moteurs V-8 et du tape-à-l’oeil, en ajoutant des décapotables.
Toutefois, la conception des modèles 1963 et 1964 était déjà très avancée. Il ne pouvait pas y changer grand-chose. Il dut donc attendre que la planification des modèles 1965 débute, pour imposer ses idées et changer l’image d’AMC.
Richard A. Teague, responsable du studio de la stylistique fut mis à contribution, pour revamper l’image des produits AMC. Richard Teague a toujours été célèbre pour sa capacité de faire des miracles avec pratiquement rien. Les compagnies pour lesquelles il a travaillé étaient Packard, qui était à la fin, pratiquement en faillite. Donc, la tirelire était vide. Teague, réussissait toujours, malgré des budgets de famine à produire quelque chose de vraiment acceptable. Or, depuis qu’il était chez AMC, les budgets étaient toujours aussi modestes. Il devait donc continuer à se creuser la tête pour trouver un moyen de recycler les outillages déjà existants et en faire des nouveaux.
Chez AMC, on n’était pas sans savoir que la nouvelle mode était d’avoir un toit profilé, pour qu’une automobile puisse se donner des airs de sportive. L’arrivée, en 1964, de la Barracuda, de la Dodge Charger (qui arrivera en 1965) et surtout de la Mustang 2 + 2 en était des exemples patents. Richard Teague, avec son budget famélique utilisa la même astuce que Dodge, il utilisa la plateforme de la Rambler American, avec un empattement de 106 pouces pour en faire une voiture de rêve, en lui greffant un toit profilé. Elle fut présentée à plusieurs Salons de l’auto, en janvier 1964. Chez AMC, on avait un gout prononcé pour le monde marin. Le nom choisi pour la nouvelle auto était Tarpon. La compagnie faisait savoir que la Tarpon était un exercice de style, fabriqué, pour témoigner du talent des styliciens d’AMC.
Au cours de sa courte existence, la Tarpon avait tout de même indiqué la route à suivre. Richard Teague dut à nouveau utiliser de sa magie, pour concevoir la nouvelle voiture. Abernethy décida de construire une voiture plus grosse. Donc plutôt que d’être une 2 + 2, elle sera une 3 + 3. Cette fois, la base de départ était la Classic. Elle pouvait donc accueillir six passagers. Pour le style sportif, on repassera. Pour la nommer, ils retournèrent à la mer, en lui donnant encore un nom de poisson, soit Marlin.
Sa production fut officiellement annoncée pour le 10 février 1965. Elle arriva chez les concessionnaires le premier Mars de la même année. Elle était 1,5 pouce plus haute que la Tarpon et 15 pouces plus longue. Son empattement était celui de la Classic, soit 112 pouces. Elle était donc une Classic modifiée. Son toit était profilé, ses ailes arrière, ses feux de position et sa calandre étaient différents. Elle offrait, des intérieures luxueux et beaucoup d’équipements, tels que les freins à disques, des sièges inclinables, faisaient partie de l’équipement de base. Elle était motorisée par le six cylindres de 232 p. c, de cylindrée. Ceux qui désiraient plus de performance pouvaient choisir le V-8 287 de 198 ch ou le V-8 327 de 270 ch.
La Marlin avait reçu un accueil mitigé, de la part des journalistes, lors de son lancement. Certains détestaient carrément la voiture, alors que d’autres étaient plus modérés, trouvant plusieurs qualités à son apparence. À la fin de l’année de production, 1965, la Marlin avait été vendue en 10 327 exemplaires, générant des profits de 5,2 $ millions dans la trésorerie d’AMC.
Des changements d’ordre mineur furent apportés à la Marlin 1966. La calandre était nouvelle, une barre stabilisatrice était ajoutée à la suspension des modèles six cylindres. Un toit de vinyle noir était ajouté, sur la liste des options. L’année 1966 fut une année difficile pour l’industrie automobile. Les ventes en générale diminuèrent pour toutes les marques, sauf celles de la Mustang. Celles de la Marlin diminuèrent de plus de la moitié, pour atteindre seulement le nombre de 4 547, malgré le fait que son prix de vente ait été réduit à 2 601,00 $
En 1967, contre toute logique, alors que les ventes de la Marlin diminuaient et que la décision d’abandonner sa production était déjà prise, quelqu’un avait pris l’initiative de construire la Marlin sur la plateforme de la Ambassador, montée sur un empattement de 118 pouces. Sa longueur hors tout augmentait de 6,5 pouces, pour atteindre 201,5’‘. Sa largeur augmentait de 4 pouces pour grandir à 78,4 pouces. L’espace intérieur s’accroissait d’autan, donnant plein de place pour accueillir six passagers en tout confort. La tôlerie était nouvelle. Les courbes extérieures des ailes arrière donnaient du tonus à la silhouette de la voiture, ce qui se mariait parfaitement avec son toit profilé. Nous ne pouvons que partager l’opinion de son créateur Raymond Teague, qui disait que la Marlin 1967 était la plus belle que nous ayons jamais construite. La Marlin 1967 fut mise sur le marché, avec un prix de vente fixé à 2 963,00 $. Elle n’a malheureusement pas connu beaucoup de succès en ne se trouvant que seulement 2 545 acheteurs.
La Marlin 1967, qui est notre vedette de ce mois, appartient à M. Réal Giard, depuis 8 ans. Elle provient de la région de Gatineau. Elle a été restaurée à un haut niveau de perfection. Elle est motorisée par le V-8 343. Elle attire l’oeil par sa rareté et également par sa beauté.