Pour présenter au Monde, ses nouveaux modèles 1969, Chrysler lança sa campagne publicitaire, en comparant le dessin des carrosseries de ses automobiles à un fuselage d’avion. Toute modestie mise à part, en un sens, ces carrosseries n’avaient en commun, avec le fuselage d’un avion, que le fait qu’elles n’avaient aucun pli, aucune ride, aucune bosse asymétrique, aucun aileron. Ses surfaces étaient parfaitement lisses.
Virgil Esner, stylicien responsable du studio de dessin, chez Chrysler, avait déjà annoncé ses couleurs en présentant sa voiture concept, la Plymouth XNR 1960. Elle avait le même style de parechoc, qui encadrait totalement la calandre.
Fidèle à son histoire, Chrysler, qui a toujours été une compagnie qui allait de succès en échecs, était justement dans un de ses nombreux creux.
Le nouveau président Lynn Townsend venait justement d’être nommé à ce poste, en 1961, avec la mission de remettre la Chrysler Corporation sur la route de la rentabilité. L’autre problème, qui affligeait Chrysler, depuis 1957, était le manque de contrôle de la qualité sur les chaines de montage. Heureusement pour Chrysler, malgré les problèmes de qualité pas toujours à la hauteur, en 1968, les ventes établirent un record, avec 263 266 véhicules, qui avaient trouvé un propriétaire. Or, c’est bien connu, quand la chaine de montage tourne trop rapidement, pour répondre à la demande, le niveau de qualité devient inversement proportionnel à la vitesse de l’assemblage.
La Chrysler 300 (non lettrée) en version coupée, et décapotable, fut présentée, en 1962, pour remplacer la Windsor. L’intention de profiter de l’image sportive projetée par les Chrysler 300 lettrées était évidente. La 300 L,1965, fut la dernière lettrée produite. Dans la hiérarchie, la Chrysler 300 était destinée à combler le vide laissé par la DeSoto, disparue en 1961. Elle était donc située juste sous la Chrysler New Yorker, soit au milieu de la gamme offerte par Chrysler. La Chrysler 300 partageait d’ailleurs le châssis de 124 pouces d’empattement, avec la Chrysler New Yorker, depuis 1965. Par contre, ses prix de vente étaient fixés, entre 300,00 $ et 400,00 $ plus bas que ceux de la New Yorker. Malgré ses prix de vente plus bas, la 300 n’était pas une automobile bas de gamme. Elle était motorisée par le V-8 440, depuis 1967. Ses intérieurs étaient luxueux, alors que son dessin, dépourvu de toutes fioritures inutiles, indiquait son lien de parenté avec la puissante Chrysler 300 L. De plus, la Chrysler 300 offrait une décapotable luxueuse, ce que la New Yorker n’offrait plus, depuis 1961.
La conception des modèles, chez Chrysler, à la fin des années soixante, suivait les tendances de l’époque. La production de la New Yorker familiale fut abandonnée, en 1966. Le message était assez clair, avec la production de seulement 3 000 exemplaires, en 1965. Celle qui s’accaparait le marché des familiales, chez Chrysler, était la Windsor. La nouvelle stratégie pour vendre des familiales fut de les regrouper sous le vocable de Town & Country. Un vieux nom remis au gout du jour. La carrosserie berline, à quatre portières faisait acte de présence sur le marché que de façons sporadiques, au cours des années soixante. En 1969, elle était absente. Ainsi, la Chrysler Three Hundred ne fut offerte qu’en trois modèles, soit coupée à toit rigide, berline à toit rigide et décapotable. La Coupée fut la plus populaire, avec des ventes qui atteignirent le nombre de 16 075. Celles de la berline se chiffraient à 14 464 et celles de la décapotable à seulement 1 933.
Les responsables de la mise en marché utilisèrent un vieux truc, soit d’inscrire le nom THREE HUNDRED, orthographié en lettres majuscules séparées, fixées sur le côté des ailes arrière. Ce subterfuge est souvent utilisé sur les marchés, pour ajouter de la valeur à un produit, plus qu’il en a réellement. Le fait d’écrire en lettres majuscules, bien espacées donne une image plus classique, plus huppée.
En fait, la Three Hundred n’était certainement pas une Chrysler lettrée et n’avait pas non plus jamais été vue sur les pistes de course pour gagner des trophées. Par contre, elle était une grosse automobile, solide, confortable et bien construite. La combinaison de sa carrosserie monocoque, bien soudée, avec sa suspension à barres de torsion bien ajustée en faisait une routière, avec une tenue de route de catégorie supérieure. Son moteur V-8 440 et sa transmission automatique à trois rapports en faisait une voiture capable de prestations élevées.
À l’avant, ses phares étaient cachés derrière la calandre. Elle était d’ailleurs la seule Chrysler à avoir cette caractéristique, en 1969. Le dessin de cette calandre était cruciforme. Il est intéressant de constater que ce dessin utilisé, pour la première fois sur la Chrysler 300 F 1960, a été remis à jour sur certains véhicules, dont la fourgonnette, depuis quelques années.
La Chrysler Three Hundred avait des sièges baquets séparés par coussin central et un appui-bras. Une console, offerte en option, pouvait être commandée, pour remplacer ce coussin. La planche de bord comprenait une instrumentation complète, sauf un compte-tour. Ceux qui n’étaient pas satisfaits des prestations du 440 et ses 350 ch, ou, qui
désiraient encourager les pétrolières, pouvaient opter pour le V-8 440-TNT. Cette option incluait un carburateur à quatre corps, un arbre à cames modifié, un système d’échappement double et une entrée d’air, double, sur les carburateurs. Avec cette option, il était également très prudent d’ajouter des freins à disque et une suspension plus robuste.
Avec tous ces ajouts, la Three Hundred se rapprochait de la Chrysler 300 L, qui était disparue du marché, en 1965.
Le plus ironique, était que pendant que les ingénieurs cherchaient à produire des automobiles très puissantes, pouvant rouler de plus en plus vite, les compagnies d’assurance et surtout les gouvernements se préparaient à siffler la fin de la récréation, en imposant des règlements sévères, contre ces bolides et surtout, contre la pollution qu’ils émettaient.