Chez Ford, comme d’ailleurs chez toutes les autres compagnies automobiles américaines, quand la Deuxième Guerre mondiale cessa, la priorité était de reconvertir les usines à la production de véhicules civiles. Le parc automobile était en manque, par attrition, car il n’avait pas été approvisionné de véhicules neufs, depuis 1942. L’urgence, en 1945, était donc de relancer la production, afin de répondre à la demande du marché.
Quand le marché fut saturé et redevenait normal, au début des années cinquante, les ventes annuelles accusaient une diminution de 250 000, en 1951 et de 150 000, en 1952. Les planificateurs durent consacrer plus de temps à explorer les demandes du dit marché et tenter de trouver et ouvrir de nouveaux créneaux de ce marché, pour relancer les ventes.
Une chose qui ne pouvait qu’attirer leur attention était le fait que de plus en plus de voitures sport, anglaises, arrivaient sur les quais des ports américains et canadiens. Un autre signe que les acheteurs nord-américains recherchaient autre chose était le fait de voir le nombre de Volkswagen sur les routes, qui ne cessait de grandir
GM fut la première à réagir. La Direction de GM donna à Chevrolet la mission de construire une voiture sport. Présentée en janvier 1953, la Corvette fut identifiée comme étant la réponse à l’invasion britannique. En juillet, la première Corvette sortait de la chaine de montage. Elle était sous motorisée, avec le 6 cylindres et improprement, pour l’époque, construite en polyester et en fibre de verre, l’arrivée de la Corvette ne causa aucune émeute, car à la fin de l’année, seulement 183 Corvette avaient trouvé preneurs.
Chez Ford, on avait profité des erreurs de Chevrolet. La réponse de Ford, à l’invasion des voitures sport européennes, portait le nom Thunderbird. Contrairement à la Corvette, sa carrosserie était en acier, elle était motorisée par un V-8. Elle fut présentée au public le 20 février 1954. Toutefois, sa production ne débutait qu’en septembre de la même année, en tant que modèle 1955. Une autre précaution prise par Ford, fut de ne jamais présenter la Thunderbird comme étant une voiture sport, mais plutôt comme étant une voiture personnelle, de type sport.
Mise sur le marché, le 22 octobre 1954, la nouvelle Thunderbird recevait un accueil enthousiasme. La première année, les ventes se chiffraient à 16 155. En 1956, 15 631 et 21 380, en 1957, pour un total de 53 000 voitures, en trois ans.
La domination de la Thunderbird ne faisait pas de doute. Tout le monde était heureux, chez Ford, sauf Robert McNamara. Ce dernier, devenu président de la Division Ford, avait une seule règle. Tous les véhicules Ford devaient générer des profits, même la Thunderbird. Point à la ligne. La viabilité de la Thunderbird avait d’ailleurs déjà été le sujet d’une étude, en décembre 1954 alors que les premières Thunderbird commençaient à sortir des chaines de montage, soit avant l’arrivée de McNamara. Pour ce dernier, la Thunderbird était un concept qui n’avait jamais été essayé et il doutait que se lancer dans la fabrication de voitures sport ne fût pas l’idée du siècle, du moins chez Ford.
Les paramètres de la Thunderbird furent établis en mars 1955. Quatre options étaient offertes à McNamara.1-Continuer à produire le modèle deux places. 2- Produire une version à quatre places. 3- Offrir les deux modèles, ou, 4- Cesser la production complètement, de la Thunderbird. La Thunderbird deux places avait beaucoup de défenseurs, non seulement de la part des clients extérieurs, mais également à l’intérieur de la Division Ford. Les styliciens, dont Bill Boyer, chargé de la conception de la première Thunderbird, se collèrent à leur table à dessin pour concevoir une nouvelle version à deux places et une version à quatre places. La version deux places conservait son empattement de 102 pouces alors que la version quatre places, avait un empattement de 113 pouces. Autres différences, la version deux places, avait une carrosserie montée sur un châssis, alors que la version quatre places, avait une carrosserie de type monocoque.
Finalement, la version deux places disparaissait du décor, simplement parce qu’elle n’avait aucune place dans les procédés de fabrication de la Ford Motor, ce qui la rendait trop onéreuse à produire. Son sort fut réglé, quand McNamara réalisa que la Thunderbird projetait une image de charme et de beauté, et qu’elle valait la peine de mettre quelques dollars, pour la conserver. Ce genre de réflexion provenant de la part de McNamara prenait tout le monde par surprise, car ce dernier n’avait aucune passion pour l’automobile. Pour lui, une auto était un moyen de transport pour le conduire du point A au point B. Autre point, McNamara était persuadé que la Thunderbird quatre places allait générer des profits, alors que la version deux places était un non-sens, économiquement, car elle ne pourrait rapporter aucun retour, sur les investissements qu’elle exigeait. Ce qui allait à l’encontre de la philosophie de tout bon gestionnaire et inacceptable de la part de McNamara qui avait la réputation d’être un dur en affaire.
La décision de fabriquer la nouvelle Thunderbird fut prise au cours du printemps de 1956, alors que tout le monde était sûr que tout était fini, pour elle. McNamara dit laconiquement à l’équipe « Nous allons la construire ». Cette décision ne fut pas facile à prendre, car il savait que la Thunderbird, deux places, était déjà devenue une légende. Il était conscient que le fait de l’abandonner allait lui valoir la haine des 53 166 clients qui étaient devenus des propriétaires de cette Thunderbird.
La nouvelle Thunderbird, avec sa carrosserie monocoque, engendrait des couts de fabrication plus élevés. Comme la Lincoln et la Continental Mark III, utilisaient déjà cette technologie, à l’usine de Wixom, Michigan il fut décidé de la construire à cet endroit. Malgré la nature révolutionnaire de la nouvelle Thunderbird, un budget de seulement 50 millions $, fut alloué, pour tout le projet, soit 5 millions $, pour sa conception et 45 millions, $, pour l’outillage nécessaire à sa fabrication.
Heureusement, William Boyer et son équipe avaient continué à peaufiner le dessin de la carrosserie. Plusieurs des avancées que nous retrouvons étaient des idées de Boyer. Par exemple, le toit, se terminant à angle droit, à l’arrière était de lui. Une autre idée qui est encore avec nous est la console. Le problème que Boyer avait était qu’il avait une foule d’instruments et de manettes à placer sur la planche de bord. Afin d’avoir l’espace nécessaire, il décida d’utiliser l’espace libre du dessus du tunnel de l’arbre de couche, pour y placer le conduit du climatiseur et du même coup, cacher le tunnel. Le climatiseur faisait partie de l’équipement de base. Cette idée lui avait été inspirée par sa carrière de pilote d’avion, pour la US Navy, pendant la guerre. Ces deux nouveautés, le toit carré et la console sont ceux qui ont été sans doute les plus copiées de l’histoire de l’automobile.
Quand la production débuta, pour l’année 1958, il avait été décidé que la nouvelle Thunderbird serait propulsée par un moteur assez puissant, afin de mériter son côté sport. Le nouveau V-8 de 352 p.c. de cylindrée fut choisi. Ce nouveau V-8 faisait partie de la famille FE, chez Ford. Sa puissance était de 300 ch @ 4 600 tr/min.
Dès son lancement, la nouvelle Thunderbird, malgré un prix de vente assez corsé, à 3 631,00 $ pour la berline et de 3 929,00 $ pour la décapotable, elle se vendit en 37 862 exemplaires. Les ventes augmentèrent à 67 456, en 1959. Devant tant de succès, le concept fut copié, par la Buick Riviera, la Pontiac Grand Prix et la Oldsmobile Toronado Notre vedette fait partie de la production de l’année 1959. Elle appartient à M. Jean-Claude Claing.