Chez General Motors, on avait attribué à la Division Oldsmobile, le rôle d’initiateur de nouveaux produits et de nouvelles tendances. Par exemple, elle offrait une transmission semi-automatique, en 1937. En 1939, elle mettait sur le marché une nouvelle transmission, nommée l’Hydra-matic, constituée par un coupleur hydraulique et une boite épicycloïdale, à quatre rapports. Elle a été la première transmission automatique fabriquée en série.
Toutefois, toute pionnière qu’elle fut, Oldsmobile n’était pas la première marque d’automobile américaine à offrir une traction avant. Les plus connues sont certainement les Cord 810 et la Cord 812, construites en 1936 et 1937, respectivement.
La Cord fut dessinée par le génial stylicien Gordon Buehrig. En plus d’être également une traction avant, beaucoup de traits de la Cord se retrouvèrent sur la Toronado, tels que les phares escamotables, ses roues à clairevoie et sa large calandre composée de barres horizontales.
La Toronado voyait le jour, en 1962, sous forme de dessin, exécuté par le stylicien David North. Il représentait un petit véhicule sport, compact, sans aucune prévision d’être produit un jour. Quelques semaines plus tard, la Division Oldsmobile recevait la permission de produire, pour l’année 1966, une voiture destinée à gruger le marché de la Thunderbird, dont le succès était intolérable, pour les gestionnaires chez GM. Afin d’économiser, la nouvelle voiture devait partager la même plateforme E, que la Buick Riviera, également destinée à contrer la Thunderbird.
Chez Oldsmobile, on travaillait sur le concept d’une traction avant, depuis 1958, un projet qui était sous la houlette de l’ingénieur John Beltz. Dans un premier temps, ce projet était destiné à être construit sur l’intermédiaire F-85. Les couts de production trop élevés forcèrent les ingénieurs à choisir la plateforme E de la Riviera qui était justement en reconstruction.
Toutefois, comme la plateforme E avait été conçue pour être utilisée sur une auto à propulsion, les ingénieurs durent modifier le compartiment moteur, qui devait accueillir, en plus du moteur V-8 425, la suspension avant et la transmission automatique. Faute d’espace, la transmission et son train planétaire furent séparés du convertisseur de couple. Le convertisseur de couple fut fixé à l’arrière du moteur, alors que la transmission était fixée sous les cylindres du côté gauche du moteur. La puissance, provenant du moteur, était dirigée vers le convertisseur de couple, puis était transférée vers le train d’engrenage par le biais d’une chaine, entrainée par deux pignons.
Cette chaine, silencieuse, de deux pouces (51 mm) était fabriquée avec de l’acier trempé. Elle n’avait pas besoin de tenseurs, ayant été précontrainte par un outil spécifique, avant d’être fixée en place. Cette conception de la transmission avait eu un effet sur la distribution du poids, qui devenait 54/46, ce qui était remarquable pour une traction avant.
Le dessin de la carrosserie lui donnait une silhouette aérodynamique à l’arrière. Le pied C avait été allongé pour permettre à la ligne du toit de descendre doucement vers la lunette l’arrière, pour continuer, en descendant vers la lèvre du couvercle du coffre arrière. Le fuselage de la carrosserie était orné par des flancs verticaux dans lesquels étaient moulées des arches, autour des passages des roues.
La Toronado était une bonne routière. Elle était capable d’atteindre une vitesse maximale de 135 m/h (217 k/h). Sur la route, la Toronado était sous-vireuse, ce qui est normal, pour une traction avant. Cette tendance pouvait être facilement contrôlée et n’était jamais excessive.
À l’intérieur, les passagers sur la banquette arrière ne devaient pas être claustrophobes et en plus, ils n’avaient qu’une vue seulement partielle des paysages. Sur la route, le V-8 425 manifestait sa soif, insatiable, de l’essence... Par contre, malgré le fait que la Toronado inaugurait une foule de nouvelles technologies, elle ne souffrait que rarement de problèmes mécaniques. Une des raisons de sa fiabilité était que sa mécanique avait été testée sur des milliers de kilomètres. De plus, elle était assemblée sur une chaine, qui lui était réservée. Cette chaine tournait à une vitesse moindre que la normale, ce qui donnait plus de temps aux ouvriers de bien assembler les pièces. Au début, elle avait la réputation d’user ses pneus rapidement, car la technologie des fabricants de pneus n’était pas à la hauteur, à l’époque. Les portières étaient difficiles à ouvrir et fermer. Une correction fut apportée aux modèles 1967.
Son rouage d’entrainement était robuste et résistait bien à l’usure. Toutefois, un problème omniprésent était le fait que son compartiment moteur était petit et occupé par beaucoup d’instruments, ce qui entravait une bonne circulation d’air, ce qui donnait comme résultat, de nombreux incendies.
La Toronado a été, sans doute, l’automobile parmi les plus hétéroclites des années soixante. Le dessin de sa carrosserie était nettement loin des normes de son époque. Malgré tout, les ventes de l’année 1966 furent quand même respectables, s’établissant à un peu moins de 50 000. Toutefois, elles diminuèrent de près de la moitié, l’année suivante. Bien que ses concepteurs se soient fortement inspirés des Cord 810 et 812, aujourd’hui, sur le marché des automobiles de collection, elle n’atteindra jamais la valeur des Cord, malgré sa relative rareté. Par exemple, une Cord Sportsman a une valeur intrinsèque se situant à environ 250 000, $ , alors, qu’une Toronado, mise sur le marché atteint à peine 20 000, $. Cependant, la Toronado était et demeure une voiture d’une conception particulière, selon un concept loin des sentiers battus de son époque, ce qui fait d’elle une Oldsmobile rare, qui mérite d’être regardée de près et être conservée pour les générations futures. De plus, son prix d’achat demeure encore abordable.