Les choses allaient bien et les affaires étaient bonnes, quand la Deuxième Guerre mondiale prit fin, en 1945. Comme le reste de l’Industrie, chez DeSoto, après avoir fabriqué toutes sortes d’engins de guerre pendant pratiquement cinq ans, on s’empressa de reconvertir les usines à la production de véhicules civils.
Les constructeurs d’automobiles, surtout nord-américains, avaient la chance inouïe de profiter d’un marché de vendeur, car le parc automobile avait, par attrition, pratiquement fondu de moitié au cours de la guerre. Le besoin de véhicules automobiles était donc criant. De plus, l’Amérique du Nord avait été transformée, pendant le conflit, en arsenal des Alliés. Les usines avaient donc tourné à plein régime, tout au long de cette période. L’économie était florissante et les ouvriers avaient de l’argent plein les poches, contrairement aux pays européens, qui eux étaient virtuellement en faillite, avec leur économie devenue exsangue.
Les concessionnaires salivaient à la seule vue des clients faisant la file, attendant leur tour pour acheter une voiture. La plupart en profitaient, sans vergogne, pour augmenter les prix de vente afin de s’en mettre plein les poches. Comme disaient les Romains : homo homini lupus (l’Homme est un loup pour l’Homme). Une pénurie de matières premières et quelques grèves empêchèrent les choses de tourner rond, mais dès 1948, DeSoto, comme les autres marques, produisit des automobiles comme jamais.
Il n’y avait aucun problème dans le fait que les DeSoto produites entre 1946 et 1948 étaient similaires à celles mises sur le marché, en 1942, car de toute façon, celles qui étaient assemblées par les autres compagnies étaient elles aussi des réchauffées de 1942. Par contre, DeSoto pouvait se targuer d’offrir des autos ayant les changements cosmétiques les plus voyants. Ses phares n’étaient plus escamotables, ses ailes arrière et celles de l’avant étaient nouvelles. Ces dernières étaient même allongées, jusqu’à se rendre au milieu des portières avant. Les barres de sa calandre étaient plus grosses, tout comme ses feux arrière. Ses parechocs enveloppants étaient également nouveaux.
En ce qui a trait à la mécanique, le moteur six cylindres de 236,6 p.c. était le même. Toutefois, sa puissance fut établie à 109 ch., soit six chevaux de moins que les DeSoto 1942. La boite de vitesses à trois rapports était la même, cependant, une boite semi-automatique à quatre rapports portant le nom de Gyrol Fluid Drive, équipait les modèles de gamme supérieure.
Pour voir des changements significatifs dans le dessin des DeSoto, il nous a fallu attendre la deuxième série de 1949, qui a été lancée en mars 1949. À cette époque, la Chrysler Corporation avait comme pratique commerciale d’entreprendre une année avec des modèles de l’année précédente, pratiquement inchangés, auxquels on donnait le nom de Première Série. Quelques mois plus tard, quand arrivait la vraie nouvelle voiture, elle portait le nom de Deuxième Série.
Ainsi, quand la 1949 Deuxième Série arriva, elle arborait un tout nouveau style de carrosserie, auquel les loustics donnèrent le nom de style des trois boites. En effet, encore aujourd’hui, quand ont regarde le profil d’une auto produite par Chrysler au cours de cette période, ont ne peut que constater que sa silhouette rappelle effectivement trois boites empilées. Ce dessin était le résultat des dictats de K. T. Keller, alors président de la Chrysler Corporation. Ce dernier insistait pour que les voitures sortant des usines de la Chrysler Corporation aient un toit assez haut pour permettre à un gentilhomme de porter son chapeau, quand il était assis à l’intérieur. À ceux qui lui faisaient remarquer que ses voitures avaient un style archaïque, en étant trop hautes et trop étroites, comparées à celui de Ford et Chevrolet, il leur répondait du tac au tac; nous fabriquons des automobiles pour s’assoir dedans et non pour pisser par-dessus...
La DeSoto 1950 était une 1949 à laquelle on avait apporté quelques retouches esthétiques au niveau de la calandre et de ses feux de position et ajouté quelques baguettes chromées. Puis arriva la Guerre de Corée. Avec la Deuxième Guerre encore en mémoire, les acheteurs se bousculent aux tourillons des concessionnaires pour se procurer une auto, avant que la production cesse. Malgré une grève de cent jours, chez Chrysler, la DeSoto parvenait à vendre 133 854 voitures. Cette prospérité était toutefois artificielle, car les parts de marché de DeSoto étaient inférieures à celles qu’elle avait connues au cours des années trente.
En fait, tous les véhicules produits par la Chrysler Corporation perdaient du terrain, par rapport à leurs concurrents, et ce, non seulement à cause de leur dessin obsolète, mais également à cause du retard accumulé sur la technologie de leur mécanique. En 1951, toutes les marques, incluant les compagnies indépendantes, offraient des boites de vitesses automatiques, alors que Chrysler demeure avec sa transmission manuelle entrainée par un convertisseur de couple, en plus de son six cylindres à soupapes latérales, dont la naissance remontait au début des années trente. Pendant ce temps, chez Oldsmobile, ont mettait au point le Rocket V-8 à soupapes en tête. Les ventes de Oldsmobile grimpaient, alors que celles de DeSoto stagnaient.
La refonte des carrosseries de DeSoto, en 1951, fut un grand pas en avant. La silhouette, surtout sur le devant, était plus douce, plus harmonieuse. Elle hérita d’une nouvelle calandre avec une dentition digne d’un épaulard. Ce thème a été conservé en plusieurs variations, jusqu’en 1955. Enfin, en 1952, arriva le premier moteur V-8 moderne, chez DeSoto. Ce dernier était une version à l’échelle du V-8 Firepower à chambres de combustion hémisphériques de Chrysler, avec une cylindrée de 276,1 pouces cubes, capable de produire 160 ch, soit plus de puissance par pouce cube que tout autre moteur de l’industrie, sauf le quatre cylindres de Crosley.
Continuant sur sa lancée de changements techniques, Chrysler présenta la PowerFlite, en 1953. Cette transmission automatique était offerte sur l’Imperial seulement. Sur la DeSoto, des changements cosmétiques furent apportés; la calandre perdit deux dents, pour en conserver neuf, alors que l’arrière fut re dessiné. Les ventes se redressèrent quelque peu. Toutefois, comme les modèles 1954 n’offraient rien de très nouveau, elles reculèrent de 46,2 % à seulement 76 580 exemplaires, malgré que la nouvelle transmission automatique avait été offerte aux clients de DeSoto.
L’embauche de Virgil Exner apporta un vent nouveau dans les studios de stylique de Chrysler. Un tout nouveau concept fut mis de l’avant par ce dernier. Connu sous le non de Forward Look, le dessin de la carrosserie était long, large et élancé. La longueur de la voiture fut amplifiée par la présence de baguettes de flanc parcourant les côtés d’un parechoc à l’autre. La calandre conserva ses neuf dents, cependant deux de ces dernières devinrent des canines qui servaient de butoirs au parechoc. Quand elles arrivèrent sur le marché, les DeSoto 1955 et les autres produits de la Chrysler Corporation créèrent une onde de choc. Les ventes rebondissaient à 114 765, pour retomber à 110 418 en 1956, alors que la DeSoto faisait les frais de quelques changements mineurs. Son arrière était nouveau, sa calandre devint édentée, alors que ses baguettes de flanc avaient un parcours différent.
Malgré les ventes à la baisse, l’année 1956 a été quand même importante pour DeSoto. Elle a eu l’honneur d’être la voiture de tête, lors des courses du Indy 500. Pour relever le défi, les mécaniciens préparèrent deux voitures réservées exclusivement à cette course. On leur a donné le nom de Pacesetter. Pour les construire, ils utilisèrent deux Fireflite décapotables. La carrosserie fut peinte en blanc, son toit de toile était or, comme ses flancs, ses enjoliveurs de roue, sa calandre. Sa sellerie était confectionnée de vinyle or et de tweed brun. La moquette était noire, mouchetée d’or, alors que son volant était blanc et or. Afin de profiter des retombées médiatiques, la compagnie décida de fabriquer environ 400 copies des deux originales et de les offrir sur le marché.
Ses couleurs particulières mises à part, de l’extérieur, la voiture semblait être une DeSoto Fireflite tout ce qui est normal. Sous le capot, c’était une autre histoire. Alors que le moteur V-8 de 330 p.c. de cylindrée était utilisé sur les autres DeSoto, y compris les reproductions de la Pacesetter, sur les deux originales, la cylindrée de ce V-8 fut portée à 341 p.c. Il était alimenté par deux carburateurs à quatre corps (un sur les répliques). Son arbre à cames était différent, les ressorts de ses soupapes étaient plus résistants. Ses pistons étaient en aluminium, ses bielles et son vilebrequin en acier forgé. Son taux de compression fut augmenté à 9,25:1, contre 8,5:1 pour le 330. Sa puissance était un robuste 320 ch, contre 255, pour le 330.
Sur la piste du Indy 500, la Pacesetter utilisée a bien défendu les couleurs de DeSoto, en roulant à plus de 100 m/h, alors que L. Irving Woolson, président de DeSoto, était au volant.
La vedette de ce mois-ci fait partie des 400 répliques mises sur le marché, en 1956. Elle ne circule pas à des vitesses aussi élevées que l’originale à Indianapolis, mais son propriétaire, M. Jean-Pierre Viau n’attire pas moins l’attention, quand il arrive à son volant, sur les sites d’exposition de voitures anciennes du Club VACM.