Avant même de devenir bipède, il y a plus de 100 000 ans, l’homo sapiens était un animal dont la survie dépendait de sa capacité à être le plus rapide pour chasser une proie, et également le plus rapide pour fuir devant un prédateur, pour ne pas devenir une proie.
Au cours des millénaires, pratiquer la vitesse était entrée dans ses gènes. Encore aujourd’hui, certaines tribus du nord de l’Afrique pratiquent la course à pied, parcourant des distances impressionnantes à des vitesses incroyables. Non satisfait de ses performances, l’homme moderne captura des chevaux, les dressait et les utilisait autant pour trainer des charges lourdes que pour lui faire parcourir de longues distances, le plus rapidement possible.
Puis arriva l’invention de l’automobile. Rapidement, le cheval, malgré des siècles de bons et loyaux services, fut retourné, au pâturage, sans autres formes de procès. Il ne faisait pas le poids, contre le moteur à combustion interne. Ce dernier pouvait travailler pendant des journées entières, sans repos, sans réclamer de la nourriture, ou être trop fatigué, pour continuer. De plus, même s’il lui arrivait de temps à autre de laisser tomber une goutte d’huile, jamais, jamais il ne produisait des crottins.
L’homme étant ce qu’il est, si un inventeur construisait un moteur de puissance X, dès qu’il était sur le marché quelqu’un d’autre le relançait, pour produire un moteur plus puissant. Pour prouver que son véhicule était supérieur, il le présentait sur les pistes de course. C’est ainsi que les compétitions automobiles débutèrent.
Au début du vingtième siècle, un nouveau genre de compétition prenait forme. Les participants étaient des passionnés de mécanique, qui utilisaient des Ford Modèle T, qu’ils modifiaient, pour se mesurer aux autres amateurs de vitesse. Ces bolides portaient le nom de Raceabout. Ils étaient capables d’atteindre plus de 76 m/h, sur certaines pistes de course. Les derniers Raceabout furent construits en 1915.
À la même époque, une nouvelle compagnie, la Stutz fabriquait la Bear Cat qu’ils nommèrent une Sportman' Car. La Bear Cat pouvait circuler sur les routes. Elle était l’équivalent de la fameuse T head Stutz qui s’était mesuré victorieusement contre les Mercer. Elle continua à se battre sur les ronds de course, jusqu’en 1923.
Vers la fin de cette période, plusieurs amateurs de courses, avec un budget minimal commençaient à modifier des Ford Modèles T et Modèles A pour participer à différentes courses. On les surnommait les HOT ROD. Tous ces individus recherchaient la même chose, l’adrénaline que procure la haute vitesse.
L’Amérique du Nord n’avait pas le monopole de l’idée de la voiture sport. En Europe, une fois la Deuxième Guerre mondiale terminée, en 1945, la poursuite de ce rêve revenait de plus belle, sur plusieurs fronts. En France, il était recherché par Bugatti. En Allemagne, Mercedes-Benz offrait l’imposante S/SS1SSK. En Italie, des compagnies telles que Maserati et Alfa Romeo construisaient des bolides de course, alors qu’en Angleterre on tentait de définir la définition qu’impliquait le nom Voiture de Sport. En étudiant les nombreuses voitures répondant à ce critère, tel que la Squire, la Morgan et la profilée SS 100 qui deviendra la Jaguar, en plus de toutes les voitures qui provenaient du Morris Garage ( M G ). Ces d’ailleurs toutes ces marques qui ont familiarisé les Nord Américains avec le concept de la voiture sport.
Un modèle en particulier alluma l’intérêt et la fascination des Nord Américains envers les petites voitures sport. Il s’agissait de la M G T C, en 1945.
Une partie de cette fascination était générée par les G I qui revenaient d’Europe, après avoir séjourné plusieurs mois, en Angleterre, où ils avaient appris à aimer conduire ces petites voitures sport. Ces M G étaient les choses importées, les plus aimées, ex aequo avec le Whiskey. Cette sympathie envers les voitures sport avait aidé à attiser la popularité de la Corvette, lors de son lancement, plusieurs années plus tard.
La définition d’une voiture sport généralement la mieux acceptée est une automobile qui est capable de jouer deux rôles, soit de circuler en milieu urbain et est également capable de participer à des courses sur des pistes de course. Elle est généralement construite avec deux sièges, sous un toit décapotable. Elle peut avoir, mais pas toujours, une espace réservée pour contenir des bagages. Les premières expériences avec les voitures sport, même si le nom n’existait pas encore, ont été bien avant la Première Guerre mondiale. La chose la plus cruciale pour ces voitures est la conception de son châssis et de son rouage d’entrainement. Ses concepteurs devaient, dans un premier temps, concevoir un moteur, puis construire un châssis et finalement une carrosserie. Cette dernière était généralement une affaire sommaire.
Toutefois, plus tard, les carrosseries devenaient plus imposantes, plus étanches et beaucoup plus luxueuses. L’évolution de ces carrosseries conduisirent à des automobiles de prestiges, telles que la Locomobile, la Simplex et les légendaires trois P, soit Packard, Perles et Pierce-Arrow. Les amateurs de ces marques, haut, de gamme, devaient être des biens nantis, qui avaient les moyens de vivre le fétiche que leur inspirait leur automobile. Après une certaine période, leurs gouts changèrent. Ils abandonnèrent leurs grosses carrosseries, pour plutôt adopter des voitures ouvertes avec seulement deux sièges. Ces véhicules ainsi allégés étaient devenus des bolides très puissants, difficiles à contrôler, sans beaucoup d’agilité.
Leurs propriétaires les utilisaient pour participer à des courses d’endurance, des marathons et d’autres formes de compétitions.
Ces nouvelles autos à deux places, étant plus légères, elles pouvaient atteindre des vitesses plus élevées et tenaient mieux la route, sur les chemins sinueux que les lourdes voitures dont elles étaient issues.
Évidemment, des voitures plus rapides signifiaient qu’il fallait trouver laquelle l’était. Il s’agissait d’une excellente raison pour organiser des courses, sur des pistes de course. Ce qui fut fait rapidement, avec ces voitures qui pouvaient être sur une piste de course, ou simplement circuler sur les routes.
Un des premiers exemples de ce genre de véhicule fut la Mercer 1911 Type 35 Raceabout. Elle a été construite de 1911 à 1923, à Trenton New Jersey.
Celle qui fut la plus célèbre, était la modèle T-Heard. Son gros moteur quatre cylindres avait une puissance de 58 ch, à 1 700 tr/min, alors que son poids n’était que de seulement 2 400 livres. Sortant directement de l’usine, sans préparation, elle atteignait facilement 75 m/h. La version de course touchait le 100 m/h.
Il fallut attendre trois décennies, soit le temps nécessaire pour mener une guerre mondiale, vivre la pire crise économique et mener une nouvelle guerre mondiale, pour revivre les moments passionnants de la course automobile.
La paix, une fois rétablie, en 1945, les marques américains, étaient trop occupées à construire des automobiles, afin de reconstituer le parc automobile qui était pratiquement disparu, par attrition, au cours de la guerre. Les trois grands, Chrysler, Ford, et General Motors étaient très occupées à reprendre la production, pour répondre à la demande, à partir de 1945.
Les marques indépendantes étant moins en demande, certaines effectuaient des recherches dans le but de diversifier leur production et augmenter leur volume de vente.
Au cours de la même période, les soldats qui avaient été assez chanceux pour revenir vivants, racontaient à leur entourage les aventures qu’ils avaient vécues, les choses qu’ils avaient faites, dont conduire des petites voitures sports, qui étaient si différentes des grosses automobiles américaines, et combien ils avaient aimé les conduire.
Avec le retour de plusieurs milliers de G I le message avait fini par se rendre jusqu’à Détroit.
Du côté des indépendants, quelques entrepreneurs tels que Conningham avaient commencé à construire des voitures sport, motorisées par des V-8 Chrysler. L’influence la plus tangible provenait toutefois de la marque Nash-Kelvinator, avec la Nash-Healey, et de la marque Kaiser-Frazer qui utilisa la plateforme de la Henry J, pour construire deux véhicules, soir la Kaiser-Darrin. DKF-161 et la Excalibur. Le concept derrière la construction de ces deux voitures, soit construire une voiture avec deux sièges, en utilisant le maximum de pièces produites par la compagnie mère, et la motoriser avec le meilleur moteur de la compagnie. Dans le cas de Kaiser-Fraser et de Chevrolet, les moteurs disponibles n’étaient pas très impressionnants.
Les avancées techniques faites par Nash et Kaiser, n’avaient pas créer beaucoup de remous, chez Ford, occupé à remettre la compagnie sur pied, ou chez Chrysler qui n’avait pas les moyens de concevoir une nouvelle automobile.
Chez General Motors, les choses étaient différentes. La compagnie était sortie des juteux contrats, attribués, au cours de la guerre, avec des coffres-forts débordants d’argents. La paix étant revenue, la production des véhicules automobiles reprenait, en utilisant les matrices des modèles 1942, en leur apportant quelques changements mineurs, afin de leur enlever une apparence de déjà vue. Pour confirmer leurs nouveautés, on les appelait 1946.
Harley Earl, qui était responsable du studio de dessin, chez GM, avait été fasciné par la silhouette du chasseur Lockheed P-38. Voici pourquoi, au cours de cette période, toutes les marques fabriquées par GM arboraient des ailerons verticaux, pendant de nombreuses années.
Afin d’appâter les amateurs de voitures futuristes, des tournées, à travers les États-Unis, nommées Motorama présentaient les automobiles du futur, dans un cadre extravagant de chrome et de jeux de lumière. Ces activités furent tenues de 1949 à 1961. Après avoir terminé le dessin des modèles 1949 - 50, Harley Earl, avait autre chose en tête qui était une petite voiture sport, avec un prix de vente au même montant que celui d’une Chevrolet. Le résultat de sa cogitation, en 1951, ressemblait, selon certains, à un amalgame entre un une voiture sport anglaise et un Jeep Willys.
Ce dessin était la base sur laquelle fut construite la Corvette.
La Corvette fut présentée au public lors du Motorama de 1953. Le personnel ,qui s’occupait du Motorama, estimait à quatre millions de personnes à avoir manifesté leur enthousiasme en voyant la nouvelle Corvette. Devant autant d’appui, la production de la Corvette fut décidée sur-le-champ. Son prix de vente fut fixé à 3 513, $.
Soudain, comme le disait Samson, dans la Bible, le plafond s’écroula. Dans un premier temps, il semblait que ceux qui avaient compté quatre millions d’admirateurs de la Corvette, lors des Motoramas avaient été soit délirants d’optimiste ou ne savaient pas compter. Si les chiffres avaient été plus proches de la réalité, les gestionnaires auraient certainement été plus prudents et y auraient sans doute pensé deux fois, avant de donner leur aval à la mise en marché de la Corvette. Le dessin de la carrosserie était aussi à revoir, car le premier jet contenait trop de gadgets tels que ses tuyères de fusées à l’arrière. Les concepteurs de la Corvette connaissaient une multitude de problèmes avec la conception de pratiquement toutes les pièces. Le toit ne pouvait ni être ouvert ni fermé par une seule personne, sans se coincer. Les toiles des fenêtres des portières n’étaient pas étanches, en plus d’être un anachronisme. Le bouton servant à ouvrir les portières fut éliminé, pour des raisons d’économie, ce qui donna comme résultat qu’il était impossible d’ouvrir les portières de l’extérieur. Il fallait alors passer la main vers l’intérieur pour trouver et actionner le loquet, ce qui n’était pas une chose facile, quand les toiles étaient fixées.
Toutefois, le plus gros handicap de la Corvette était sa motorisation qui était composée d’un moteur six cylindres, alimenté par trois carburateurs. Les problèmes de conception furent réglés les uns après les autres et les premiers prototypes sortaient de l’usine, en juin 1953. Une vaste campagne de publicité fut lancée. Peine perdue, la Corvette ne se vendait absolument pas. L’année 1953 se terminait avec la vente de 300 exemplaires.
Une foule de changements furent apportés sur les modèles 1954. Encore une fois, les ventes n’étaient toujours pas au rendez-vous. Très peu d’acheteurs étaient prêts à payer 3 513 dollars pour une voiture motorisée par un six cylindres, alimenté par un système complexe de trois carburateurs, avec une carrosserie en fibre de verre.
Un SOS fut lancé à Zora Arkus-Duntov. Ce dernier était un ingénieur génial, capable de vrais miracles, autant en mise au point de moteur, qu’en ajustement d’un châssis. En peut de temps, il avait changé la Corvette d’un agneau, en véritable tigre, avec l’arrivée du moteur V-8 d’une cylindrée de 265 p.c.
Les prix de vente de la Corvette furent diminués à 2 934,$.
Avant que Zora Arkus- Duntov exerce sa magie, des pourparlers étaient tenus, entre les dirigeants, chez GM, afin de savoir si la Corvette allait passée à la poubelle de l’Histoire, ou non. Beaucoup étaient de cet avis, soit d’abandonner sa fabrication et de passer à autre chose.
Soudain, Ford venait brouiller les cartes en mettant sur le marché la Thunderbird, en 1955. Pendant que Chevrolet vendait une Corvette, Ford vendait 23 Thunderbird.
Pour les dirigeants, chez GM, cela équivalait à une tape sur la gueule,
Pour ne pas perdre la face, chez GM on décidait de continuer à fabriquer la Corvette.
Ainsi, la Corvette doit sa survie à Zora Arkus-Duntov et à Ford, mais pas pour les mêmes raisons…
Heureusement pour nous, en demeurant sur le marché, la Corvette est devenue la seule vraie voiture sport, en Amérique du Nord.