En 1963, la Chrysler 300 ignorait la lettre I, afin d’éviter toute confusion avec le chiffre 1, pour passer tout de suite à la lettre J. Cette année a également été remarquable par le fait d’avoir été témoin de la plus petite production de l’histoire des Chrysler lettrées, soit un maigre 400. C’est également la première fois depuis le début de la production de ces Chrysler, en 1956, qu’une décapotable n’était pas offerte. C’était à peine surprenant que la production ait été réduite, car l’année précédente, les ventes des Chrysler H avaient été plutôt faibles, avec seulement 558 exemplaires à avoir été assemblés. Il n’est donc pas incongru de constater que les gestionnaires, chez Chrysler, se soient posé la question à savoir si la Chrysler 300 devait être maintenue en production.
En 1963, Chrysler avait le vent dans les voiles, en ce qui regarde le volume de production. Elle offrait des automobiles imposantes, motorisées par des V-8 puissants, appuyées par une grosse campagne publicitaire, qui affirmait qu’il n’y aurait jamais de petites Chrysler. Du même souffle, les publicitaires ajoutaient que cela avait pour effet d’affaiblir l’héritage de la marque, en insinuant malicieusement que des marques rivales comme Oldsmobile, Pontiac et Mercury, insultaient leurs clients en leur offrant des succédanés comme les F-85, les Tempest et les Comet. Cette publicité fielleuse oubliait de mentionner que les concessionnaires Chrysler avaient également sous leur toit, la Valiant de Plymouth. Il est vrai toutefois que pour conserver le prestige de la marque, Chrysler avait évité de diluer les caractéristiques de son image, du moins jusqu’à l’arrivée de la Neon.
En 1963, Chrysler conserva la onzième place au palmarès des ventes, alors que la Chrysler Corporation parvenait à obtenir un profit net de 162 millions de dollars. DeSoto étant disparue en 1961, les trois marques restantes, chez la Chrysler Corporation, étaient tout de même parvenues à vendre plus d’un million de véhicules, leur meilleure performance depuis 1957. À la Bourse, la valeur du capital-action, bien que fractionnée par quatre, parvenait à générer encore des dividendes. Le Président de Chrysler, Lynn Townsend, déclarait à la presse que ce succès était dû à l’ajout de 500 nouveaux concessionnaires au réseau de Chrysler et à l’arrivée de la nouvelle garantie de 5 ans/50 000 milles, la première garantie prolongée de l’industrie.
Les carrosseries des produits Chrysler avaient fait peau neuve. Leur dessin a été exécuté sous la direction de Virgil Exner. Cela a d’ailleurs été son dernier contrat, chez Chrysler. Il a été remplacé par Elwood Engel, qui arrivait de chez Lincoln, où il avait participé au dessin de la merveilleuse Lincoln 1961. Le nouveau dessin des produits Chrysler était une rupture totale avec celui des années antérieures. Leurs lignes étaient plus nettes, plus épurées, donnant un tout plus homogène, avec des moulures aux angles aigus et une calandre de forme trapézoïdale inversée.
La nomenclature des modèles demeurait la même. Toutefois, la New Yorker partageait le même empattement de 122 pouces que les Chrysler lettrées avaient adopté, l’année précédente. Les mensurations étaient à la baisse, finalement ! La Chrysler 300 J était motorisée par le V-8 de 413 P.C. emprunté à la New Yorker. Sa puissance était de 360 ch, soit 20 ch de plus que la New Yorker. Une version de 390 ch était offerte en option.
Malheureusement, la 300 J n’était pas assez différente des autres modèles de Chrysler. Ce fait était d’ailleurs sous-entendu sur les dépliants publicitaires qui vantaient lourdement le confort de la voiture, sans insister sur ses performances. Même l’écusson rouge, blanc et bleu, distinctif de la 300 lettrée, avait été remplacé par un point noir sur lequel apparaissent le modèle et la lettre J, pratiquement illisibles, tant ils étaient ténus. Comme il fallait s’y attendre, tous ces changements ont été reçus plutôt froidement par les amateurs, peu nombreux, mais passionnés qui composaient la clientèle de la Chrysler 300 lettrée. Il semble que très peu de gens se soient préoccupés de leur réaction à Highland Park, où se situe le siège social de Chrysler. Une politique interne et non pas le volume des ventes régissaient le nombre de ventes fixé à 400 de la Chrysler J, soit une quantité suffisamment élevée pour que la chaine d’assemblage demeure en marche. Les choses ont pris une tout autre tournure l’année suivante.
Pour l’année 1964, les changements cosmétiques se résumaient pratiquement à un nouveau maquillage rehaussé par quelques coups de houppette à poudre, pas dedans, mais sur le nez. Les modèles, les empattements et les moteurs étaient les mêmes. La grille de calandre, le médaillon, les enjoliveurs de roues et les baguettes de flancs avaient été légèrement modifiés. La lunette arrière était plus grande. Les feux arrière perdaient leurs rondeurs pour devenir hexagonaux, alors que les panneaux arrière avaient été modifiés. Les Chrysler lettrées étaient encore présentes pour devenir les 300 K. La grille de calandre noire avait été conservée, elle était traversée par deux grosses barres disposées en croix, décorées par des enjoliveurs en aluminium brossé. Les baguettes de flancs étaient toujours fixées sur la moulure parcourant la carrosserie de l’avant vers l’arrière.
Chrysler, en tant que marque, s’était très bien tiré d’affaire, au milieu des années soixante. Les gens avaient pris gout à son style devenu plus linéaire, ses moteurs étaient ultrapuissants, l’essence était bon marché, alors que l’économie florissante permettait aux clients d’avoir de l’argent plein les poches. La Division Chrysler avait produit plus de 150 000 véhicules. Un chiffre supérieur à ceux obtenus à chacune des années au cours de la dernière décennie. Le gérant général de la Division Chrysler, P. N. Buckminster était gonflé d’optimisme, quand il déclara à la presse qu’il avait bon espoir d’établir un record de vente l’année suivante, ce qui permettrait à Chrysler de dépasser Cadillac. Il avait raison, en 1965, Chrysler grimpa en dixième position au palmarès des ventes, avec un volume supérieur de 30 000 voitures à celui de Cadillac.
En ce qui regarde l’année 1964, même les Chrysler lettrées, qui étaient sur le déclin, avaient connu un regain de popularité avec la 300 K qui se vendit en 3 647 exemplaires, chiffre qui incluait 625 décapotables, modèle qui avait été ressuscité. La Chrysler 300 K était motorisée par la version de 360 ch de la New Yorker qui était également utilisée sur les Chrysler Série 300 non lettrées. La version de 390 ch, qui était exclusive à la Chrysler lettrée, était toujours offerte en option, mais l’édulcoration de l’image du produit phare qu’étaient les Chrysler lettrées, était devenue évidente.
L’alphabet a été égrainé, encore une fois, en 1965, quand la Chrysler L faisait son entrée sur le marché. La version de 390 ch du 413 n’était toutefois plus sur la liste des options. Elle a été cependant assez bien reçue, avec des ventes de 2 845 exemplaires. Par contre, elle était exactement comme les autres Chrysler présentes dans les salles d’exposition des concessionnaires. Aujourd’hui, l’intérêt des collectionneurs ne dépasse généralement pas la lettre K dans l’alphabet.