Chez GM, après les autos congratulations qui avaient suivi le lancement de la Corvair, et son moteur arrière, refroidi à l’air, on avait réalisé rapidement que cette dernière ne serait jamais une championne, au palmarès des ventes. C’était donc avec beaucoup d’inquiétude et de dépit que les gestionnaires de GM regardaient la Falcon s’envoler vers des records de vente, soit en 435 676 exemplaires, la première année, contre 250 007 pour la Corvair. Gênant quand on se croit le géant infaillible.
Une commande avait donc été passée aux ingénieurs de concevoir, toutes affaires cessantes, une copie conforme de la Falcon, sous le nom de Chevrolet. Elle fut nommée Chevy II et expédiée rapidement sur le marché, en 1962, afin de combler le vide. Au début, elle ne projetait pas une image tellement impressionnante, soit tout au plus celle d’une compacte moyenne, jetée dans la mêlée pour affronter la Falcon et la Valiant et les autres importées qui tentaient d’établir une tête de pont en Amérique du Nord. Chevrolet annonçait sa nouvelle compacte comme étant une auto économique, en insistant sur le fait que son style attirerait les regards pendant de nombreuses années, sans toutefois préciser si ces regards seront positifs ou négatifs... La Chevy II était offerte en trois gammes. La 100, pour les berlines et les familiales d’entrée de gamme, la gamme 300, pour les berlines et les familiales de gamme intermédiaire et la 400 pour la gamme supérieure Nova, à laquelle s’ajoutaient une Coupé Sport à toit rigide et une décapotable.
La motorisation se limitait à un quatre cylindres de 153 p.c. et à un six cylindres de 194 p.c. Sa suspension arrière était composée d’un seul ressort à lame. Chevrolet justifiait ce choix en disant vouloir éliminer la rudesse des suspensions à lames multiples. Annonçant le futur, des sièges baquets étaient offerts, en option, sur les Nova 400 à deux portières.
Le retour d’un quatre cylindres, absent depuis 1928 chez Chevrolet, n’a pas été ce qui a fait sursauter les historiens de l’Histoire de l’automobile, pas plus d’ailleurs que le nouveau six cylindres. Ce qui a vraiment marqué les annales a été l’arrivée de l’option Super Sport offerte en 1963, en plus de la disponibilité des moteurs V-8.
Des moteurs V-8 avaient été installés dans des Chevy II, au cours de l’année 1962, par quelques concessionnaires Chevrolet, en utilisant des pièces offertes sur le marché. Après qu’un moteur de 360 ch. eût propulsé une Chevy II à 60 m/h en 5,2 secondes, plusieurs amateurs de hautes performances avaient pris note.
Quelques retouches esthétiques avaient été apportées, en 1963, dont une nouvelle calandre en aluminium. Une nouvelle option a été ajoutée à la liste. Offerte au cout de 161,00 $, elle porta le nom de Super Sport. La publicité la décrivait comme étant capable de procurer le prestige de la Nova 400, tout en donnant un caractère sportif à l’auto, quand elle était installée sur une coupée sport ou une décapotable. Cette option se composait de pneus de 14’’, d’une planche de bord avec quatre jauges, des sièges baquets à l’avant, des baguettes de flancs de couleur argent et sous le capot, le petit six cylindres. La même année, Ford motorisait sa Falcon avec le tout nouveau V-8 260. Chevrolet pouvait-elle se permettre de ne pas suivre?
Pour l’année 1965, le V-8 était enfin sur la liste. Il s’agissait du V-8 283 Turbo-Fire de 195 ch., au prix de 108,00 $. Étonnamment, les modèles Coupé Sport, décapotable et l’option Super Sport avaient été abandonnés. Les protestations des concessionnaires avaient fait revenir l’option Super Sport sur la liste, en mi-saison, mais seulement sur la coupée à toit rigide. La décapotable était toutefois disparue pour toujours. Deux moulures doubles avaient été ajoutées aux carrosseries des SS coupées. À l’intérieur se retrouvaient des sièges baquets, une console où était le levier de changement de vitesse, soit pour l’automatique Powerglide ou la manuelle à quatre rapports, offertes avec le moteur V-8. Plus du tiers des coupées vendues avaient l’option SS.
La publicité claironnait : Malgré sa nouvelle vigueur, la Chevy II demeure une voiture gentille, silencieuse, robuste, sage et sans prétention, mais avec des dents plus acérées. Malgré qu’elle était motorisée par un V-8, la Chevy II ne brulait pas le pavé. Des essais routiers, tenus à l’époque, faisaient état d’accélérations à 60 m/h en environ 11,3 secondes, alors qu’elle était motorisée par le V-8 283 de 195 ch. À partir de 1965, plus de puissance pouvait être obtenue avec le V-8 327 en version de 250 et 300 ch. Cette même année, un nouveau remodelage de son dessin apporta des changements à sa calandre, alors que ses feux de position avant avaient migré vers le parechoc. Une version plus puissante du V-8 283 arriva, en mi-saison, sur la liste des options. Grâce à son système d’échappement double, sa puissance se chiffrait à 220 ch. Malgré cela, la production des Super Sport glissa à seulement 91 000 exemplaires.
Des changements majeurs furent apportés au dessin de la voiture, en 1966. Le dessin de sa carrosserie était devenu plus angulaire, plus masculin, en accord avec la mode du temps. La ligne de son toit était à demi profilée, alors que son arrière était plus effilé, se terminant à angle droit. Les sièges baquets faisaient toujours partie de l’ensemble SS, ainsi que la console où était logé le levier de changement de vitesse. Un compte-tour était offert en option, alors que les autres jauges faisaient partie de l’équipement de base.
Comme précédemment, l’option SS incluait tous les moteurs Chevrolet, sauf le quatre cylindres. Deux versions plus puissantes du V-8 327 s’étaient ajoutés à la liste. L’une donnait 275 ch, l’autre 350 ch. Une boite de vitesse à quatre rapports était offerte, avec les moteurs les plus puissants, mais pas la Poweglide automatique.
En seulement cinq ans, la Chevy II était passée d’une automobile sous-motorisée, en un véhicule haute performance, capable d’atteindre 60 m/h en 7,2 secondes, à la condition que le 327 soit sous le capot. Même la version moins puissante du 327, vissée à une Powerglide, pouvait faire la même chose en 8,6 secondes. Toute cette nouvelle puissance avait certainement dû faire vibrer une corde dans le public, car les ventes des Super Sport avaient plus que doublé.
Cette allégresse ne dura pas longtemps, car la production des SS replongea à 10 100, en 1967. Une nouvelle calandre noire et de nouveaux phares n’ont pas été suffisants, pour charmer la clientèle, dont plusieurs avaient déjà succombé aux charmes de la nouvelle Chevelle SS et son 396 p.c. La perte du 327 de 350 ch n’avait pas aidé non plus. L’option Super Sport a été conservée, alors que la Nova subissait une révision esthétique majeure, en 1968. Mais la magie SS qui donnait à la Chevy II un petit avantage sur les Chevrolet pleine grandeur en était à sa dernière année.