Au cours de la première moitié des années soixante, chez Chrysler, on décidait de mettre en veilleuse la stylistique et l’ingénierie avant-gardistes, pour plutôt donner la priorité à une mise en marché mieux planifiée et à un contrôle de la qualité resserré. Ce dernier point devait absolument devenir un mantra, pour les employés de Chrysler, car le manque de qualité de ses produits gangrénait les ventes, depuis 1957. À partir de cette date, l’accent a été mis sur un dessin plus traditionnel des carrosseries et une vaste campagne, souvent imprudente, d’expansion. Le nouveau président de la Chrysler Corporation, Lynn Townsend, travaillait d'arrachepied à ramener le calme dans les turbulences laissées par les gestionnaires Tex Colbert et Bill Newberg. Il préparait la compagnie Chrysler pour qu’elle renoue avec les profits. Si une tendance à s’éloigner de l’esprit innovateur et indépendant de Chrysler survenu au cours des années cinquante pouvait être identifiée, personne ne s’en plaignait. Après tout, Chrysler construisait les voitures que le public demandait.
L’Imperial 1964 a été la première à être dessinée par quelqu’un d’autre que Virgil Exner, depuis que l’Imperial était redevenue une marque indépendante, en 1955. Ce quelqu’un d’autre était Elwood Engel qui provenait de chez Lincoln pour remplacer Exner, en 1961. Son influence, sur les produits Chrysler, s’était d’ailleurs manifestée aussi tôt qu’en 1963.
Engel apporta des changements radicaux à la silhouette de l’Imperial, sous sa ceinture de caisse, autant que dessus. Cette transformation avait débuté en 1963, avec un nouveau toit. La carrosserie était beaucoup plus angulaire, semblable à celle de la Lincoln Continental, dont Engel avait participé au dessin. Comme sur la Lincoln, le dessin des ailes était souligné par une baguette chromée, se terminant à angle droit. Une calandre divisée par un étai fut adoptée, les phares montés sur une nacelle, dessinés par Exner ont été remplacés par des enjoliveurs montés à même la grille de la calandre. Le coffre arrière était devenu plus carré. Toutefois, l’empreinte de la roue de secours n’avait pas complètement disparu. Elle était devenue horizontale. La Custom Imperial fut enlevée de la liste, ne laissant que la Crown, comme modèle d’entrée de gamme, et la LeBaron comme étant la gamme supérieure. Avait également disparu, l’appellation Southampton, pour les modèles à toit rigide. Toutes les Imperial étaient à toit rigide, sauf les décapotables, bien entendu. La Crown Imperial limousine, construite par Ghia, en Italie, était encore offerte en version à quatre ou six fenêtres. Elle conserva son empattement de 149,5 pouces.

L’Imperial avait connu une très bonne année, en 1964, avec des ventes qui se sont chiffrées à plus de 23 000 autos de construites, soit une augmentation de 65 %, par rapport aux chiffres de l’année précédente. En fait, ce record de vente s’était classé au deuxième rang, dans l’histoire de la marque. Avec Engel, le nouveau stylicien en chef, une nouvelle philosophie, nettement inspirée de celle de la Lincoln, prenait place. Dans l’esprit de ce dernier, une automobile de prestige ne devait pas subir l’outrage des changements annuels majeurs. Sa carrosserie ne devait recevoir que des modifications évolutives, sans changements significatifs, d’une année à l’autre.
Ainsi, fidèle à sa philosophie, il n’apporta que des changements mineurs à la calandre de l’Imperial 1965, en plaçant les phares derrière une vitre. Au Salon de l’auto de New York, en 1965, il présenta l’Imperial LeBaron D’Or. Comme son nom l’indique, toutes ses garnitures étaient plaquées or et sa peinture était également de cette couleur. Aucun changement n’avait été apporté aux modèles offerts. Cependant, inflation oblige, les prix de vente avaient été augmentés de quelques centaines de dollars.
Ghia de Turin, Italie, cessait de construire les limousines Crown Imperial, en 1965. Toutefois, dix exemplaires furent construits en Espagne, en 1966. En utilisant la calandre et les panneaux arrière de ce modèle, Chrysler en fit construire aux États-Unis. Entre 1964 et 1966, il ne s’en construisit que 10 par année.
Une fois de plus, en 1966, des changements évolutifs furent apportés aux Crown et LeBaron. Leur dessin était très semblable à celui des modèles 1964-65. Le changement qui a fait que l’Imperial a été l’une des plus belles Imperial produites est certainement sa nouvelle calandre. La calandre des modèles antérieurs, avec leur étai central, avait été remplacée par une nouvelle calandre oblongue contenant des motifs rectangulaires. Le couvercle du coffre avait été modifié pour faire disparaitre l’empreinte de la roue de secours. L’empattement était demeuré le même. Le moteur de 413 pouces de cylindrée a été remplacé par le nouveau moteur de Chrysler, le 440, dont la puissance avait été portée à 350 ch, soit 10 de plus que les modèles 1964-65.

L’Imperial 1966 a été la dernière à être construite avec une carrosserie séparée de son châssis. Ce changement mettait fin à la méthode de construction différente de l’Imperial, par rapport à celle utilisée pour assembler les autres marques de Chrysler. Après 1966, l’Imperial devait partager la carrosserie monocoque de la Chrysler, pour devenir au fil du temps une version plus luxueuse de la Chrysler. À la grande déception des gestionnaires de la compagnie, l’Imperial ne s’était jamais distinguée en tant que marque autonome, alors que la plupart des gens faisaient référence à elle sous le nom de Chrysler Imperial. Ce problème d’image rendait la rivalité avec Lincoln et Cadillac plutôt futile. La production continuait de péricliter, avec des ventes d’environ 18 000, en 1965, puis moins de 14 000, en 1966. Les ventes des décapotables étaient extrêmement basses, avec des chiffres comme 922, 633 et 514, pour les années 1964 à 1966, respectivement. Une mort lente, pour une marque qui aurait dû connaitre plus de succès. Mais, à cette époque, les gens n’avaient d’yeux que pour la Cadillac...