Le 15 juin 1953, la compagnie Ford fêtait son cinquante-cinquième anniversaire de fondation. Elle fit les choses en grand, en télédiffusant un spectacle intitulé : The Ford 50th Anniversary Show, sur les ondes des réseaux de NBC et CBS. Les téléspectateurs eurent la joie de voir apparaitre, sur leur écran noir et blanc, des artistes de la trempe de Bing Crosby, Eddie Fisher, Frank Sinatra, Rudy Vallee, et une pléiade d’autres vedettes. Henry Ford II, alors président, y allait d’un petit laïus, soulignant les cinquante années d’histoire de sa compagnie, depuis sa fondation, en juin 1903. Au cours de ces cinq décennies, la stratégie commerciale de Ford avait toujours été basée, sur un seul véhicule, offert en plusieurs modèles, du moins depuis la disparition de la Ford modèle S, suivit de l’arrivée de la Ford modèle T, en 1909. L’arrivée de la Lincoln, en 1922, et de la Mercury, mise sur le marché, en 1939, dupliqua le même schéma, dans la gamme supérieure et la gamme intermédiaire, respectivement.
Les choses changèrent le 20 février 1954, quand Ford annonçait que la date du lancement de la nouvelle Thunderbird 1955 était fixée au 22 octobre 1954. Alors que la Ford avait un empattement de 115,5 pouces, la Thunderbird en avait un de seulement 102’’. Le lancement d’un nouveau modèle complètement différent de la Ford ouvrait de nouvelles perspectives, pour la diffusion des produits Ford, en créant un nouveau créneau du marché. En tant que voiture, indiquant une nouvelle tendance du marché, la Thunderbird ne représentait pas un changement de direction radical, mais était quand même un présage des choses à venir, chez Ford. Quand la compagnie Ford lança la Ford Modèle T, son succès fut immédiat. Au cours des années vingt, les ventes dépassaient le million de véhicules pratiquement tous les ans. Obnubilé par le succès de la Ford T, Henry Ford refusa d’apporter tout changement, à cette dernière, alors que ses concurrents comme GM inventaient l’obsolescence planifiée, en apportant des changements annuels à leurs véhicules. Le lancement de la Ford A, en 1928, avait permis de renouer avec des chiffres de vente dépassant le million, mais la crise économique de 1929, coupa court aux velléités de reprendre la tête des ventes. Ford était tombé en troisième place, au palmarès des ventes. Après la guerre, Ford remonta au deuxième rang, en avant de Plymouth, mais toujours derrière Chevrolet. Henry Ford II, quand il reprit la direction de la FoMoCo, en 1945, s’était fixé comme objectif de reprendre la première place à Chevrolet. Après avoir remis la compagnie sur les rails, il consacra ses énergies à relever ce défit. Il faillit presque y arriver, en 1954, avec le lancement d’un nouveau moteur V-8 à soupapes en tête, remplaçant le V-8 à soupapes latérales, datant de 1932. Chevrolet riposta avec son propre V-8, en 1955, et regagna la couronne. Les retouches esthétiques de 1956 n’augmentèrent pas suffisamment les ventes pour renverser la situation. Ne reculant devant aucun effort, Henry II décida de briser le cycle de trois ans avec une même plateforme, en lançant une nouvelle plateforme en 1957, laissant Chevrolet avec une plateforme vieille de trois ans. Les stylistes, chez Ford, relevèrent le défit, avec brio, concevant une toute nouvelle carrosserie, en s’inspirant de la voiture concept, dessinée par le stylicien Bill Boyer, soit la Mystère 1955, avec sa calandre basse, ses phares encapuchonnés, ses baguettes de flanc à la déclivité plongeante et ses ailerons inclinés vers l’extérieur.
La Fairlane fut maintenue comme étant la Ford de gamme supérieure. Toutefois, on lui adjoignit une nouvelle compagne, la Fairlane 500, arborant encore plus d’équipements luxueux. Les versions d’entrée de gamme, la Mainline et la Customline furent remplacées par les Custom et les Custom 300, respectivement. La différence entre les versions d’entrée de gamme et haut de gamme n’était pas identifiée que par des noms et des numéros. Pour la première fois, dans l’histoire de la compagnie Ford, elle s’exprimait par la taille des carrosseries. Les versions haut de gamme avaient un empattement de deux pouces plus long que celui des versions d’entrée de gamme, soit 118’’ contre 116’‘, pour ces dernières. Tous ces détails font de ces voitures sont encore plus remarquables aux yeux des collectionneurs. Les carrosseries des Ford 1957 étaient plus basses et plus longues que celles des années antérieures. Comparées aux modèles 1956, les Fairlane avaient fait un gain de 9 pouces sur leur longueur, alors que les Custom étaient plus longues de deux pouces. Pour les faire paraitre encore plus longues, leur hauteur avait été diminuée de plus de trois pouces. Pour obtenir ce résultat, les longerons du châssis avaient été élargis vers l’extérieur, afin de permettre à la carrosserie de s’emboiter à l’intérieur du châssis, plutôt que simplement reposer dessus. Cette disposition, utilisée par Hornet au cours des années cinquante, permettait aux passagers de s’assoir plus bas, tout en profitant de plus d’espace intérieur. Deux traverses avaient été ajoutées au châssis, afin de lui conserver sa rigidité et sa résistance aux chocs latéraux. Ces changements amélioraient la tenue de route de la voiture en abaissant son centre de gravité. Pour améliorer encore plus la tenue de route, les ressorts à lames de la suspension arrière furent allongés et fixés à l’extérieur des longerons du châssis. Le nombre de lames des ressorts passa de cinq à quatre. Afin de conserver la même résistance, les lames maitresses étaient plus fortes. La suspension avant était à joints à rotules comme avant, toutefois, elle avait été redessinée et était composée de moins de pièces. Une barre stabilisatrice y avait été ajoutée. Dès son lancement, la Ford 1957 a connu un succès instantané. La décision de produire deux gammes distinctes a fait que les ventes des Custom et Custom 300 ont été supérieures à celles des Mainline et Customline de 1956, alors que les ventes des Fairlane augmentèrent également, pour finalement battre Chevrolet au fil d’arrivée.
On ne change pas une formule gagnante. Ainsi, les modèles 1958 n’affichèrent que quelques changements esthétiques, comme de nouveaux feux arrière, des baguettes de flanc différentes, des parechocs nouveaux et une calandre plus imposante arborant des phares quadruples. À la dernière minute, à peine quelques jours avant la présentation des modèles 1958 au public, la décision de retirer la Custom du marché fut annoncée dans les médias. La Custom 300 demeurait dans les catalogues de ventes, cependant son prix de vente était dorénavant abaissé à celui de la Custom. Ainsi, Ford affrontait directement la Chevrolet Delray et la Plymouth Plaza, avec un prix de vente inférieur à celui des deux autres. La nouvelle Ford 1958 avait cependant perdu l’avantage qu’elle avait, en 1957, d’être un nouveau modèle. Cette fois, l’avantage était du côté de la nouvelle Chevrolet, car la plateforme de Ford était déjà vieille d’un an. Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’année 1958 a connu l’une des plus sévères dépressions économiques du vingtième siècle, doublée d’une inflation galopante. Les ventes de Ford, en 1958, connurent une diminution drastique de 44 %, par rapport à celles de 1957. Notre vedette a été fabriquée au cours de cette période difficile de l’histoire de l’automobile. Elle a été achetée par son actuel propriétaire, M. Raymond Blanchette, en 1999. Bien conservée, elle n’a nécessité qu’une nouvelle peinture, pour retrouver son éclat d’antan.