Un des traits, qui fait partie du caractère fondamental des individus composant la race humaine, est certainement la tendance, de chaque individu, à scruter la société qui l’entoure, afin d’analyser le degré de succès et de richesse que connaissent ceux qui oeuvrent, dans les mêmes sphères d’activité que lui. Cette tendance est encore plus marquée, dans le monde industriel, plus particulièrement dans l’industrie automobile.
C’est dans cet état d’esprit que les gestionnaires de General Motors étaient, au cours des années cinquante — soixante, malgré le fait que GM accaparait plus de 40 % du marché.
Ils étaient à l’affut de tout nouveau modèle que Ford mettait sur le marché, pour aussitôt, lui opposer une copie de leur crue. Une de leurs cibles récurrentes fut la Thunderbird. Quand elle fut lancée, en 1955, elle était une petite sportive à deux sièges, qui généra des ventes se chiffrant à seulement 53 166, en trois ans, soit, rien pour faire paniquer personnes, chez GM. Toutefois, après que Robert McNamara eut fait redessiner la Thunderbird, pour en faire une automobile capable de transporter quatre passagers, la tension monta d’un cran. En voyant que les ventes avaient atteint, 37 893, en 1958, malgré la crise économique qui sévissait, pour grimper jusqu’à 92 843, en 1960, le bouton de panique fut activé, chez GM.
William Mitchell, qui avait remplacé le flamboyant Harley Earl, en tant que stylicien, responsable du studio de dessin Art & Colors de GM, fut appelé à la rescousse. La crise économique de 1958 ayant malmené les ventes de la Division Buick, elle fut choisie pour contrer la Thunderbird. En 1963, la Buick Riviera fut lancée en grande pompe. Les ventes de la Riviera se chiffrèrent à 40 000, en 1963, pour diminuer à 37 658, en 1964 et à 34 596, en 1966.
Le remède habituel fut appliqué. La Buick 1966 fut remodelée, pour devenir plus grosse, plus longue, plus large. Cependant, malheureusement pour Buick, les Divisions Cadillac et Oldsmobile s’étaient lancées dans une vaste opération de lobbying, afin d’avoir leur propre version, pour pouvoir être représentées dans le créneau du marché, ouvert par la Thunderbird, connu sous le nom de voiture personnelle. Ainsi, Buick conserva sa Riviera, Oldsmobile obtenait la Toronado 1966 alors que Cadillac présentait la Eldorado 1967. La Buick demeura à propulsion, alors que ses deux descendantes étaient à traction avant. Chez GM, on était devenu des experts à produire plusieurs marques en utilisant la même plateforme, soit la plateforme E, dans le cas qui nous occupe.
Comme nous le disions plus haut, la Riviera 1966 prenait de l’embonpoint, en ayant un empattement de deux pouces plus long, sa carrosserie s’allongeait de 3,2 pouces, tout en s’élargissant de 2 pouces. Elle était également plus basse d’un demi-pouce. Par contre, cette surcharge pondérale avait augmenté son poids de 120 livres. Le châssis était le même, les phares doubles étaient toujours escamotables, bien cachés derrière la calandre. Son toit était plus profilé que celui de la Riviera 1963-1965. Par contre, il conservait son dessin angulaire.
À l’intérieur, la planche de bord était plus mince que celui des modèles antérieurs. Elle semblait être issue du toit, plutôt que de sortir du tablier, vers les passagers. Les instruments de bord étaient montés sur des tambours mobiles, ce qui rendait la lecture plus difficile qu’avec des instruments, avec des aiguilles indicatrices. Avec une carrosserie plus large et une planche de bord moins grosse, la Riviera offrit plus d’espace pour les passagers avant. Elle pouvait en accueillir trois, soit un total de six plutôt que cinq. Les sièges baquets avaient migré vers la liste des options. Quand ils étaient commandés, ils étaient accompagnés d’une console, avec un levier de changement de vitesses en forme de U, pour contrôler la transmission automatique Hydra-Matic, qui était incluse dans les équipements de base. Un nouveau système de ventilation dirigeait l’air frais provenant de l’extérieur, pour la faire ressortir, par une petite trappe fixée sous la lunette arrière.
La Buick Riviera 1966 réussissait à augmenter le nombre de ses aficionados de 10 000 de plus, en atteignant des ventes se chiffrant à près de 45 000. Le fait que son prix de vente fixé à 4 424,00 $ ne fut augmenté que de seulement 16,00 $ a sans doute aidé sa cause. Par ailleurs, la Buick Riviera, sans doute à la grande satisfaction de ses dirigeants, avait toujours eu des chiffres de ventes supérieurs à celles de la Eldorado et de la Toronado. Par contre, la Thunderbird continua de voler bien haut, avec des ventes de près de 69 000 véhicules.
Un nouveau moteur V-8 d’une cylindrée de 430 p. c. arriva, en 1967. Offert sur tous les modèles de Buick, il avait la même puissance de 360 ch que le V-8 425 qu’il remplaçait. Cela signifiait que l’option GS (Gran Sport) n’offrait pas plus de muscles que la version normale de la Riviera. Pour que l’option GS apporte plus de performance, elle devait être accompagnée d’un différentiel avec un rapport de pont de 3,42:1, plutôt que le 3,07:1, fourni en équipement de base. Sur la liste des options se trouvaient les freins avant à disques et des tambours de frein mieux ventilés. Comme avant, l’option GS incluait un filtre à air avec deux entrées, un différentiel autobloquant, des pneus à flancs blancs et des sigles Riviera, à l’extérieur.
La Riviera traversa le reste de la décennie sans d’autres changements notables, sauf ceux exigés par les nouvelles lois de la sécurité routière et les règlements antipollutions, en 1968. Pour cette même année, un léger changement esthétique, fut apporté à la carrosserie, en y ajoutant des parechocs plutôt imposants, pour ne pas dire massifs, qui ajourèrent quatre pouces à la longueur de l’auto..
La Riviera 1969 ne changea que dans les détails. Une nouvelle calandre, une nouvelle console, sans oublier les nouvelles couleurs et de nouvelles décorations. L’option GS était toujours sur le catalogue des options. Par ailleurs, les Riviera se sont vendues à un bon rythme. Elle parvenait à réaliser le rêve de ses concepteurs, en brisant la barrière des 50 000, en 1969, avec des ventes se chiffrant à 52 872, dépassant la Thunderbird qui connaissait une mauvaise année, avec des ventes de 49 272.
Chez Buick, ils pouvaient dire qu’ils avaient réussi leur mission.